Bienvenue à la première semaine de previews Les dragons de Tarkir. Sarkhan est retourné dans le passé et a changé l’histoire de Tarkir. Explorons en détail ce qu’il a fait et comment l’équipe créative a conçu une extension pour le relater. Comme toujours, j’en profite pour vous présenter une carte intéressante en preview.

Des dragons, partout des dragons

Comme toujours, je commence cette chronique en présentant l’équipe de création :

Mark Gottlieb (direction)

J’ai rencontré Mark Gottlieb par une lettre. Il a toujours été un grand fan de casse-têtes et a même passé du temps comme rédacteur de Games Magazine. Il m’avait écrit, il y a des années de cela, me demandant s’il pouvait nous aider sur la série Magic: The Puzzling (Magic : le défi) qui apparaissait alors dans The Duelist, le magazine-maison de Magic. Il avait remarqué quelques erreurs et proposait gratuitement ses services de rédaction d’énigmes. Je l’ai remercié pour sa proposition, mais j’avais décliné l’offre.

Quelques années plus tard, je l’ai finalement rencontré en personne alors qu'il venait juste d'être engagé pour faire partie de l’équipe de rédaction. C’était longtemps avant que l’équipe ne devienne une partie du R&D. Des années plus tard, Mark est devenu le directeur d'écriture des règles, et pendant de longues années nous avons discuté comment implémenter de nouvelles cartes et mécaniques. Il est ensuite passé développeur spécialisé pour les nombreux produits annexes.

Puis, un jour Aaron Forsythe (mon boss) est venu me voir pour me dire qu’il s’inquiétait que je sois surchargé de travail. Les besoins de la création n’ont cessé de grandir au fil des ans, et mon emploi du temps devenait de plus en plus chargé. Aaron m’a suggéré la création d’un nouveau poste, un directeur de la conception, qui serait responsable de gérer les créateurs. Ce rôle superviserait les membres de l’équipe et leurs heures, et moi, je superviserais le travail de création technique. C’était exactement ce que je voulais : passer moins de temps à gérer l’équipe et plus de temps à créer.

Aaron m’a recontacté quelques semaines plus tard pour m’informer qu’ils pensaient avoir trouvé la bonne personne pour le poste, mais ils voulaient ma bénédiction. Cette personne était Mark et j’étais bien d’accord avec eux. Ces jours-ci, Mark et moi travaillons étroitement ensemble, ce qui est d’autant plus amusant car j’avais fait courir si longtemps la blague qu’il était ma « Némésis » (ce rôle a maintenant été repris par Matt Tabak).

Dès le départ, je savais que Les dragons de Tarkir allait être une création difficile. Il y avait beaucoup de pièces mobiles entre Les Khans de Tarkir et Destin reforgé, et Les dragons de Tarkir devait pouvoir s’ajuster pour complémenter ce que faisait le reste du bloc. Mark a été mon premier choix comme responsable de conception et je ne l’ai jamais regretté. Il avait compris tous les facteurs en jeu, et a fait un superbe boulot non seulement en supervisant Les dragons de Tarkir mais aussi en formulant de nombreuses observations qui ont aidé Les Khans de Tarkir et Destin reforgé.

Dan Emmons

J’ai rencontré Dan pour la première fois le jour où il a commencé à travailler chez Wizards. Il venait juste de rejoindre l’équipe d’assistance de jeu (ce qui était appelé auparavant le service client), mais il est venu me parler car son véritable objectif en venant travailler chez Wizards était de travailler au R&D. Je lui ai expliqué qu’être sur les lieux allait lui permettre de nous montrer ce qu’il savait faire, mais qu’il lui faudrait se montrer brillant dans son job régulier pour être écouté. Je l’ai fait intégrer l’équipe bouche-trou, un groupe de gens ne faisant pas partie de l’équipe R&D mais intéressés à faire des cartes Magic. À chaque fois que des trous apparaissent lors du développement, elle est aux premières loges pour créer des cartes pour les remplir.

Dan nous avait impressionné par sa capacité à boucher les trous, et nous l’avons donc intégré à quelques mini-équipes – des équipes de courte durée (en général une semaine ou deux) assemblées pour résoudre de petits problèmes de création ou de développement. Il s’est bien débrouillé dans les mini-équipes, et nous l’avons finalement mis sur une extension de Magic, d’abord une extension supplémentaire puis finalement une extension régulière. Dan a suffisamment assuré au sein de ces équipes pour que nous lui offrions une place lorsqu’elle s’est libérée dans l’équipe de création.

Depuis, il a quitté Wizards pour poursuivre d’autres opportunités, mais à l’époque, il faisait partie de nombreuses équipes de création. Son énergie positive n’a jamais flanché depuis le premier jour où je l’ai rencontré, et il va nous manquer. Cependant, il n’est pas encore parti pour vous tous car vous pouvez admirer son travail dans Les dragons de Tarkir.

Graeme Hopkins

J’ai rencontré Graeme pour la première fois quand il était un des trois finalistes de la première Great Designer Search. Les trois derniers ont tous été envoyés à Renton pour participer à ce que nous appelons « The Gauntlet » (le défi), une série de trois interviews intensives coup sur coup ainsi qu’une compétition finale en direct. Graeme n’a pas gagné, mais il a remporté un stage au R&D. Il a réussi à transformer ce stage en poste à plein temps dans le département numérique de l’entreprise. Heureusement, ils lui permettent de temps en temps de faire partie des équipes de création.

Graeme a participé à de nombreuses équipes de création dont certaines que j’ai dirigées. Il est aussi créatif que prolifique—deux grands avantages chez un membre de l’équipe de création. C’est toujours un plaisir de travailler avec lui et la création de Les dragons de Tarkir n’était pas une exception.

Colin Kawakami

J’ai vu Colin pour la première fois lors de son entretien professionnel. Tout comme Mark Gottlieb était devenu le responsable de création, nous avions fait appel à Colin pour devenir le responsable de l’équipe de création. Les dragons de Tarkir a été la toute première fois où il était le représentant de la créa au sein de l’équipe de création. Il s’est très vite adapté et a été un atout précieux pour l’équipe.

Nous n’avons pas toujours un représentant de l’équipe de créa pour les troisièmes extensions, mais le bloc Les Khans de Tarkir avait un côté créatif complexe, et nous voulions nous assurer de faire toutes les connexions. Colin nous a apporté une structure très complexe d’éléments d’histoire interconnectés et s’est assuré que tous soient harmonieusement reliés.

Sam Stoddard

J’ai fait la connaissance de Sam lors de son premier jour de travail. J’avais entendu parler de lui et j’avais lu ce qu’il écrivait, mais je ne l’avais jamais rencontré. Sam avait été dans le circuit Pro Tour, mais nos emplois du temps respectifs ne s'étaient jamais chevauchés. Il a fait partie de l’équipe de création de Les dragons de Tarkir en tant que représentant du développement, mais il a vite démontré qu’il était très à l’aise dans la création de cartes. Comme je l’avais expliqué lors des previews de Destin reforgé, Sam et moi avons trouvé indépendamment la mécanique de précipitation.

Sam a un bon feeling pour trouver ce dont une extension de Magic a besoin, et a toujours posé des questions très pointues et pertinentes. C’était la première équipe dans laquelle j’ai travaillé étroitement avec lui, et je me suis rendu compte que j’étais en train d’observer la gestation d'un autre poids lourd du développement.

Mark Rosewater

Je me suis rencontré pour la première fois… impossible de m’en souvenir. Je pense que j’étais très jeune. Quoi qu’il en soit, j’ai trouvé que le meilleur moyen de rester au courant de ce qui se passait dans toutes les équipes de création différentes était d’en faire partie. J’ai donc participé, comme d’habitude, à la création de Les dragons de Tarkir.

« Commençons au début »

Dans de nombreux articles, je parle de la façon dont le bloc Les Khans de Tarkira été conçu mais, sans que le public connaisse les trois extensions, il était un peu délicat de tout expliquer. Et bien, comme on est arrivé à la troisième extension, je me suis dit que je devrais repartir un peu en arrière et re-raconter l’histoire, mais cette fois-ci en incluant quelques points importants que j’avais dû omettre auparavant.

Nous avions quitté la conception préliminaire en sachant que nous allions faire un bloc grand/petit/grand, où l’extension du milieu allait être draftée avec chacune des grandes extensions qui, elles par contre, n’allaient pas être draftées ensemble. Nous savions aussi que nous allions utiliser une histoire de voyage temporel archétypique pour expliquer la structure. Le personnage principal allait venir sur le monde, le trouver déficient d’une certaine manière, remonter dans le temps pour résoudre le problème et ensuite revenir dans le présent pour observer les conséquences de ce changement. Comme dicté par l’archétype, cela ne se déroule jamais exactement comme le personnage principal l’avait prévu.

Nous avons donc commencé la création de Les Khans de Tarkiren sachant qu’il nous fallait un monde imparfait qui allait se transformer en un monde encore plus imparfait. L’équipe de créa avait comme mission de trouver ce qu’était ces deux mondes. Ils sont revenus avec l’idée d’un monde chaotique et déchiré par les combats, dirigé par des seigneurs de guerre et dans lequel tous les dragons avaient été tués. Il allait ensuite changer pour devenir un monde où les dragons étaient les seigneurs de guerre. Monde de seigneurs de Guerre en monde de dragons, cela sonnait vraiment bien, et c’est donc dans cette direction que nous nous sommes lancés.

D’un point de vue mécanique, la structure du bloc était importante. Nous voulions que la première et la troisième extension soient très différentes l’une de l’autre. Il fallait qu’elles aient quelques parallèles pour renforcer le fait qu’il s’agissait de lignes temporelles alternatives du même endroit, mais nous voulions que l’expérience de draft (tout comme les thèmes généraux) soit très différente. Après avoir réalisé que Les Khans de Tarkir allait être une extension de couleurs opposées du pentagramme, il nous fallait trouver ce que Les dragons de Tarkir allait bien pouvoir être. Destin reforgé allait être créé pour s’insérer dans chacune des deux autres extensions, et se trouvait donc d’un point de vue mécanique entre les deux.

Les Dragons de Tarkir étant de trois couleurs, je ne voulais donc pas que Les dragons de Tarkir le soit aussi. Pourquoi ne pas utiliser les éclats (c’est-à-dire trois couleurs qui se suivent sur le pentagramme des couleurs) ? Le problème était que deux extensions tricolores allaient trop se ressembler. La manière dont il faut structurer une extension à éclats n’est pas tellement différente de la structure pour une extension de couleurs opposées du pentagramme. De plus, la stratégie de draft de base allait changer de combinaisons de couleurs, mais les stratégies seraient très similaires. Non, l’extension ne devait pas être tricolore.

Et une seule couleur ? Et si on passait d’un monde tricolore à un monde monochrome ? Cela s’est avéré être un changement trop important. Destin reforgé aurait eu beaucoup de mal à accommoder un thème à trois couleurs et un à une couleur. Par exemple, le jeu multicolore nécessite des terrains dont le jeu monochrome n’a pas besoin. On aurait été obligé de les inclure pour nous assurer que Destin reforgé fonctionne bien avec Les Khans de Tarkir, ce qui veut dire qu’ils auraient aussi fait leur apparition lors du draft avec Les dragons de Tarkir. C’était simplement un décalage trop important.

Il nous restait donc les options bicolores. Je voulais absolument m’assurer qu’il y ait des parallèles entre les deux mondes. J’ai finalement décidé de le faire à l’aide de factions. Dans chacune des extensions, on trouve des seigneurs de guerre qui dirigent cinq factions. Cela établit un fort parallèle, mais qui nous a permis de créer une identité pour chaque extension. Cela voulait dire que je pouvais avoir cinq clans ennemis ou alors cinq clans alliés. Pourquoi ne pouvais-je pas mélanger les deux ? J’aurais pu le faire, mais si vous mettez deux extensions face à face et qu’une d’elles est plus ordonnée que l’autre, l’esthétique s’en trouve perturbée. Si j’avais voulu mélanger des factions bicolores, j’aurais également eu besoin de mélanger les factions tricolores, et je n’étais pas prêt à le faire, car il y avait une grande demande pour les extension à couleurs opposées du pentagramme.

J’ai donc analysé les options et fait mon choix. Les dragons de Tarkir allait avoir un thème de couleurs-ennemies. Nous n’avions jamais fait de cycle de dragons légendaires à couleurs ennemies, et la seule extension à thème de couleurs ennemies qu’on eût jamais faite était Apocalypse il y a quinze ans. J’aimais aussi l’idée qu’avec la prise de pouvoir des dragons venaient de gros conflits, ce qui était renforcé par les couleurs ennemies. Rappelez-vous que la création de Les dragons de Tarkir n'avait pas encore débuté. Nous devions trouver comment nous allions nous assurer que Les Khans de Tarkir n'allait pas couvrir un espace mécanique dont Les dragons de Tarkir allait avoir besoin.

Chasse aux plus faibles | Illustration par Lars Grant-West

C’est alors qu’Erik Lauer est venu me voir. Il est le directeur de développement et occupe une position parallèle à la mienne, mais pour le développement. Erik a expliqué qu’il pensait que les couleurs ennemies étaient une erreur. Voici son raisonnement : la bonne manière de drafter une extension de couleurs opposées du pentagramme est de commencer par drafter des couleurs ennemies. De cette façon, on se laisse le choix entre deux différentes factions de couleurs opposées du pentagramme. Si par exemple on drafte bleu-rouge, on se garde le choix de prendre ensuite blanc et aller vers Jeskaï, ou alors prendre vert et aller vers Temur. Le draft de paires de couleurs ennemies allait simplement être trop similaire. Erik a donc suggéré que j’aille vers les couleurs alliées.

Au début, je fus un peu pris de court. D’un point de vue thématique, j’appréciais vraiment que l’extension dragons utilise les couleurs ennemies, mais en pensant à ce qu’Erik disait, j’ai réalisé qu’il avait raison. Notre objectif principal était de faire fonctionner une structure de draft originale et pour ce faire, il fallait que les deux soient très différentes. De plus, quand j’ai exploré le sujet, j’ai appris que nous n’avions jamais fait non plus de cycle de dragons légendaires à couleurs alliées. Il existait donc un grand domaine de mécaniques encore inexploré.

Et les guildes de Ravnica ? Ne s’étaient-elles pas avérées les modèles définitifs des paires à deux couleurs ? Les joueurs aiment le multicolore et Magic dispose d’une quantité limitée de combinaisons de couleurs. Si nous voulions continuer à faire des extensions multicolores (et les joueurs apprécient vraiment ce thème) il nous fallait être capable d’explorer des combinaisons de couleurs sous un autre angle. Il était en fait assez rafraîchissant de créer des clans de dragons qui n’étaient pas des guildes de Ravnica.

Revenons maintenant en arrière et voyons comment cette décision affecte tout le bloc. Je voulais avoir cinq clans. Nous allions les rencontrer dans leur version tricolore, bicolore ainsi que dans une proto-version qui donnait l’impression d’être l’ancêtre des deux. Pour nous aider à avoir une ligne directrice, et aussi pour nous aider dans l’approche des paires de couleurs par un autre chemin, j’ai décidé que chaque clan devait être centré sur une couleur. Maintenant, le choix évident pour les couleurs opposées du pentagramme était la couleur ennemie. C’était le point de référence dans les couleurs opposées du pentagramme. Voici le problème : si je voulais que les couleurs opposées du pentagramme deviennent des paires de deux couleurs alliées, il n’y avait qu’une façon de procéder—je devais laisser tomber la couleur ennemie. Par exemple, si un clan devait finir par être le clan vert-blanc, le seul choix en partant des couleurs opposées du pentagramme était Abzan.

Je devais donc centrer chacune des couleurs opposées du pentagramme sur une des couleurs alliées. J’étais bien au courant que cela allait à l’encontre de l’intuition, et que cela risquait de déconcerter un peu le public, mais je n’avais pas le choix. Il m’était plus important de garder les parallèles entre les clans, car nous étions en train de jouer avec toute la structure du voyage temporel. Chaque clan allait évoluer différemment, mais nous voulions voir les connexions. Se retrouver avec cinq couleurs opposées du pentagramme, qui se transforment en cinq paires de couleurs alliées sans qu’il y ait de correspondance un-pour-un, allait à l’encontre de toute l’ambiance de la ligne temporelle alternative. Les paires de deux couleurs devaient représenter les mêmes clans évoluant sur un chemin différent.

Nous avons donc serré les dents et centré chaque clan sur une des couleurs alliées. Puis, quand nous sommes retournés à Destin reforgé, nous avons poussé ce centrage encore plus loin en renforçant la couleur dominante de chaque clan. C’est donc pour cette raison que les clans de couleurs opposées du pentagramme étaient structurés de cette façon.

Danseuse de stratus | Illustration par Anastasia Ovchinnikova

Mais attendez, il y a mue-eux

Un autre problème était l’utilisation de la mue, ou plus précisément les cartes face-cachée, comme moyen de représenter l’histoire d’un point de vue mécanique. La mue était le Tarkir des temps actuels. La manifestation était la proto-mue du passé de Tarkir. Cela voulait dire que Les dragons de Tarkir avait besoin de sa propre variante de cartes face-cachée. Il y avait deux options : nous pouvions faire une variante de la mue montrant comment elle était différente dans cette nouvelle trame temporelle, ou nous pouvions faire une variante de la manifestation pour montrer que, dans cette trame temporelle, elle ne s’était pas transformée en mue mais en une autre mécanique.

Deux éléments nous ont poussé vers la variante de la mue. Premièrement, les mécaniques tendent à se fatiguer. Dans un bloc, nous avons en général entre six et douze mécaniques. Il y en a donc neuf en moyenne. Retour sur Ravnica en avait onze—les dix mécaniques de guilde plus la fusion. Cela tendait vers la limite supérieure. Le bloc Les Khans de Tarkir en avait douze en ce moment—les cinq mécaniques des clans des couleurs opposées du pentagramme, les cinq mécaniques des clans alliés, la mue et la manifestation. Nous avions déjà atteint la limite de ce que nous permettions. Une simple variante de la mue nous laissait faire ce que nous voulions sans vraiment devoir introduire une treizième mécanique. Elle pouvait être assez similaire à la mue pour qu’on en comprenne très vite le fonctionnement.

Le deuxième problème était qu’à l’époque de la création de l'extension Les dragons de Tarkir, le destin de la manifestation était inconnu. Rappelez-vous qu’en tant que grande extension, Les dragons de Tarkir a commencé bien des mois avant Destin reforgé. L’équipe de création aimait vraiment la manifestation, mais elle était aussi étrange que complexe. Il y avait un vrai risque qu’elle ne survivrait pas au développement de Destin reforgé, tout du moins pas sans changement significatif. Pour cette raison, il était un peu trop risqué de la modifier davantage dans Les dragons de Tarkir. Nous avons donc opté pour une variante de la mue, et nous en avons exploré plusieurs.

La première variante de la mue venait directement de la conception préliminaire. Elle s’appelait auramue. Toutes les auramues étaient des auras. En les retournant face visible, elles s’attachaient automatiquement à la créature de votre choix. Cela entraînait un style de jeu très différent. Par exemple, j’attaque avec une créature face visible et une autre face cachée. Avec la mue, vous aurez plus tendance à bloquer la créature face cachée, car c’est celle-ci qui pourrait soudainement vous frapper et vous infliger de grosses blessures. Avec l’auramue, vous bloquez la créature face visible, car c’est maintenant celle-là qui risque de le faire

Manifestation | Illustration par Raymond Swanland

L’auramue a deux éléments qui lui sont défavorables. Premièrement, après avoir créé l’auramue, la même équipe de conception préliminaire a eu comme mission de travailler sur le bloc Theroset a inventé la mécanique de grâce. Bien que ce ne soit pas exactement la même chose, les deux mécaniques se ressemblaient un peu trop dans le cas de deux blocs dos-à-dos. Deuxièmement, l’équipe de création l’a testée et une fois qu’on avait compris comment fonctionnait l’auramue, on se retrouvait avec un jeu guindé qui était, et de loin, moins amusant qu’avec la mue normale.

Nous avons ensuite exploré ce que j’appelle muo, un raccourci pour « mue ourse ». L’idée était que les cartes de mue dans Les dragons de Tarkir pouvaient être jouées pour deux manas au lieu de trois (comme l’Ourse runegriffe, d’où le nom). Le problème était qu’on ne voulait pas voir les deux mues interagir en format Limité. Devoir se rappeler où un joueur avait payé deux ou trois manas nécessitait d’effectuer un suivi pénible, et cela créait beaucoup de possibilités de magouilles. Ceci nous avait amené à explorer si toutes les mues dans le bloc Les Khans de Tarkir devaient coûter deux au lieu de trois, mais ça, c’est une autre histoire pour un autre article.

Puis nous avons essayé une mécanique du nom de smue (pour « super-mue », je pense). Les cartes smue coûtaient quatre à jouer face cachée mais elles venaient avec un marqueur +1/+1. Face cachée, elles étaient donc 3/3 au lieu de 2/2. La smue se jouait super bien. C’était comparable à la mue et donc facile à apprendre mais se jouait très différemment au niveau stratégique. Cela vous donnait une raison de jouer une créature face cachée même si vous aviez le mana pour la lancer face visible, car vous pouviez recevoir un marqueur +1/+1 sur la créature. De plus, à la différence de la muo, la smue avait le marqueur +1/+1 pour vous aider à différencier les cartes de mue de celles avec la smue.

Qu’est-il donc arrivé à la smue ? Elle avait un petit problème. Son jeu n’avait pas de compatibilité avec la mue. Quand je jouais une carte de smue, vous saviez que c’était une carte de smue et pas une avec la mue. Il n’y avait donc aucune interaction entre les deux. Seules les cartes avec la mue pouvaient se transformer en créatures avec la mue, et seules les cartes avec la smue pouvaient se transformer en créatures avec la smue. En tant que grand défenseur de la smue, j'ai plaidé que c’était acceptable. Oui, c’était un désavantage mais la smue avait tellement d’avantages par ailleurs. Mais finalement, c’était un combat que je n’allais pas gagner.

La version finale de la mue a été finalement une déclinaison de la smue. Elle s'est débarrassée des 4 manas pour 3/3, mais a gardé l’aspect « passer par l’état face cachée pour recevoir un marqueur +1/+1 ». Le nom de test de jeu de cette nouvelle variante était la mégamue (et on a gardé ce nom pour la version finale). Les créatures avec la mégamue sont des créatures avec la mue avec un bonus supplémentaire. Le fait de les retourner face visible met un marqueur +1/+1 sur la créature.

Comme exemple, je vais vous montrer ma carte de preview d’aujourd’hui. Je vous présente la Danseuse de stratus.

Dragon en action

Il y a bien plus à raconter au sujet de l’histoire de création de Les dragons de Tarkir, mais je n’ai malheureusement plus de temps pour aujourd’hui. Heureusement, ceci n’est que la première partie et je vais donc pouvoir continuer l’histoire la semaine prochaine. Comme toujours, votre feedback m’intéresse beaucoup. Vous pouvez m’écrire par email ou par n’importe lequel de mes médias sociaux (Twitter, Tumblr, Google+ et Instagram).

Rejoignez-moi la semaine prochaine où je vous parlerai des autres nouvelles mécaniques dans l’extension, tout comme de la structure générale qui était la clé pour faire fonctionner le bloc.

D’ici-là, je vous souhaite que votre mue soit méga.

« En route pour le travail n°204— Arabian Nights, première partie »

Ce podcast est le premier dans une série de trois sur la création de la première extension de Magic.

« En route pour le travail n°205— Arabian Nights, deuxième partie »

Ce podcast est le deuxième dans une série de trois sur la création d’Arabian Nights.