Bienvenue à « Les mains dans le cambouis », ma série annuelle d’articles dédiés aux joueurs qui voudraient concevoir leurs propres extensions de Magic. Cette rubrique est un peu plus technique que la plupart de mes articles, mais c’est un bon aperçu des fondamentaux requis pour créer une extension de Magic.

Comme toujours, commençons avec un petit récapitulatif des articles précédents de « Les mains dans le cambouis » (dont seuls les deux derniers ont été publiés en français) :

Les mains dans le cambouis 1 : Card Codes (Codes de carte)

Le premier article était le plus technique, et décrivait notre système pour nous assurer que tout le monde parle toujours d’une même carte.

Les mains dans le cambouis 2 : Design Skeleton (Le squelette de création)

Le deuxième article présentait l’outil le plus important pour la création d’une extension, ce que nous appelons le squelette de création (en se servant des codes de cartes, d’où leur présentation dans l’article précédent).

Les mains dans le cambouis 3 : Filling In the Design Skeleton (Remplir le squelette de création)

Le troisième article expliquait comment remplir le squelette de création en commençant par les cartes de niveau de rareté commun.

Les mains dans le cambouis 4 : Higher Rarities (Raretés plus élevées)

Le quatrième article expliquait comment remplir les autres niveaux de rareté.

Les mains dans le cambouis 5 : Initial Playtesting (Tests de jeu initiaux)

Le cinquième article abordait la meilleure façon d’utiliser les tests de jeu pour recueillir des commentaires et apporter des améliorations à votre extension.

Les mains dans le cambouis 6 : Iteration (Itération)

Le sixième article portait sur l’importance de l’itération et sur la manière d’améliorer votre extension par incréments.

Les mains dans le cambouis 7 : Les trois étapes de la création

Le septième article explique les trois étapes distinctes de la création et vous fait découvrir la manière dont les priorités évoluent avec l’avancement de l’extension.

Les mains dans le cambouis 8 : Chaque problème a sa solution

Le huitième article répond à plusieurs questions au sujet de problèmes courants qui peuvent survenir en début et jusqu’au milieu de la création.

Ce qui nous conduit à l’article d’aujourd’hui, le neuvième de la série. Vous avez fait votre squelette de création, vous l’avez rempli, vous l’avez testé, fait les itérations, fait évoluer et trouvé des solutions aux problèmes. Maintenant nous sommes arrivés au point où nous devons poser notre plume, prendre du recul par rapport à l’extension et l’évaluer sous une nouvelle perspective.

La vue d’ensemble

Une des choses les plus difficiles à faire en tant que créateur est d’apprendre à regarder votre propre travail d’un œil impartial. En cours de route, vous vous êtes passionné pour ce projet. Vous avez pris d’innombrables décisions et avez passé un temps inimaginable à y réfléchir. Il est difficile de relâcher le lien émotionnel que vous avez tissé avec votre extension, mais un aspect de la création est d’être capable de répondre à quelques questions difficiles — et cela signifie que vous devez atteindre un point où vous serez capable de reconnaître les petits défauts bien moches de votre bébé.

La première astuce est de prendre un peu de distance. Avant une évaluation, j’aime passer un peu de temps loin du projet. Je permets à mon cerveau de s’en distancer et de s’intéresser à quelque chose d’autre. De cette manière, quand j’y reviens, ma vision est plus claire. Un des meilleurs moments pour passer le projet en revue se trouve être après des vacances, ou après une période de temps où l’on s’est intensément concentré sur autre chose.

La deuxième astuce est de poser une série de questions pour qu’on soit concentré sur leur réponse plutôt que d’essayer de juger l’extension de manière subjective. Aujourd’hui, je vais vous détailler sept questions majeures que je me pose quand j’évalue mes propres extensions.

La troisième astuce est d’internaliser l’idée qu’en étant rigoureux et en posant les questions difficiles au sujet de votre extension, vous contribuez à l’améliorer. Il y a un moment pour bichonner votre extension et lui donner tout l’amour et l’attention possible, mais il y a aussi un moment où vous devez être capable de prendre de la distance et l’observer objectivement pour vous assurer que vous ne vous êtes pas égaré, que votre intimité partagée ne vous a pas rendu aveugle aux changements survenus.

La quatrième astuce est de ne pas le faire tout seul. Si vous travaillez avec une équipe, c’est une étape dans laquelle vous pouvez tous vous impliquer. Si vous travaillez seul, faites venir quelqu’un en qui vous avez confiance et qui peut vous donner son avis sur ces questions. Avoir des opinions différentes sur lesquelles rebondir facilite énormément ce processus.

Cela étant mis au clair, attaquons-nous aux sept questions :

Question n°1 : Votre extension a-t-elle un concept global ? (Tourne-t-elle autour d’un sujet donné ?)

Vous avez droit à sept mots au maximum (en anglais). Décrivez votre extension. Pouvez-vous le faire ?

Kaladesh : Se sentir comme un inventeur étherpunk optimiste

Ténèbres sur Innistrad : La folie engloutit un plan d’horreur gothique

La bataille de Zendikar : Empêcher la destruction de Zendikar par les étranges Eldrazi (et ne comptez pas, en anglais ça fait sept mots)

La première question est la suivante : avez-vous créé un tas de cartes individuelles ou une extension cohérente ? Une extension Magic n’est pas une sélection aléatoire de cartes assemblées n’importe comment, c’est une expérience soigneusement conçue. Toutes les composantes de votre extension doivent travailler ensemble pour raconter une histoire cohérente. Je ne parle pas d’une histoire au sens littéral (bien que cela puisse aider) mais plutôt de ce que fait le joueur quand il rencontre vos mécaniques et cartes. Quelle expérience voulez-vous lui faire vivre ? Que signifie jouer avec votre extension ?

L’un des problèmes les plus importants que je vois avec les créations novices est leur manque de concentration sur un sujet. Le créateur réunit un tas d’éléments différents qu’il apprécie individuellement, puis les assemble. Une extension a besoin de plus que « d’assez de cartes ». Elle exige que toutes les cartes fonctionnent ensemble pour créer quelque chose de plus grand que la somme des composantes.

La métaphore que je vais utiliser pour cette question est de voir votre extension comme une recette de cuisine. Vous n’arrivez pas à une bonne recette en combinant simplement divers ingrédients savoureux. Une bonne recette consiste à trouver un groupe d’ingrédients qui fonctionnent quand on combine leurs saveurs. Personne ne mange un gâteau et vous félicite pour le beurre ou la farine. On vous félicite pour le gâteau.

Votre extension est un peu comme un gâteau. Vous ne voulez pas que votre public se concentre sur les ingrédients du gâteau, vous voulez qu’il se prononce sur l’excellence du gâteau réunissant tous les ingrédients. Le succès de la création d’une extension ne se définit pas par l’appréciation du public pour un des éléments, mais plutôt par l’appréciation de l’ensemble de ce qu’offre l’extension.

La raison pour laquelle je pose cette question en premier est que si vous ne réussissez pas ce test, rien d’autre n’aura d’importance. Si votre extension ne traite pas spécifiquement d’un sujet donné, alors elle ne va jamais pouvoir satisfaire la question suivante. Et il est bien possible que votre extension ait commencé en étant bien focalisée, qu’elle tournait autour de quelque chose de précis, mais qu’en apportant des changements pour la faire fonctionner d’un point de vue mécanique, elle se soit égarée.

Question n°2 : Chaque élément de votre extension est-il au service de ce concept global ?

Une fois qu’il est établi que votre extension possède un concept spécifique, la question suivante est : tous ces éléments divers servent-ils ce concept ? Cela ne veut pas dire que votre extension ne puisse pas avoir de nombreuses fonctions, mais ont-elles toutes un plus large objectif ? Kaladesh était par exemple un monde étherpunk qui permettait aux joueurs de se sentir comme des inventeurs. Différents éléments de l’extension capturaient différents aspects de ce concept. Une partie de l’extension créait l’atmosphère du monde, une partie construisait la structure qui permettait à différents éléments de s’assembler, certains contribuaient à faire interagir les mécaniques et à permettre au jeu de se dérouler sans accrocs. Votre extension peut contenir de nombreux éléments différents. Voici donc la question : tous les éléments dans l’extension agissent-ils de concert vers votre objectif ?

Une autre erreur courante des créations débutantes est d’inclure des éléments non pas parce qu’ils sont au service de l’extension, mais parce qu’on les apprécie indépendamment. C’est une carte tellement cool, alors peu importe si elle ne correspond pas à ce que fait l’extension. La réponse est que cela vous importe à vous, car dans un jeu de cartes à collectionner de stratégie vous ne contrôlez pas l’ordre dans lequel votre public verra votre extension. N’importe laquelle de ces cartes pourrait servir d’introduction. Et chaque carte a le potentiel de se jouer avec n’importe quelle autre carte de votre extension, et donc n’importe quelle carte pourrait influencer la façon dont on perçoit toutes les autres.

Pour cette question, je vais utiliser une métaphore du cinéma. Choisissez votre scène de film humoristique préférée. Celle qui vous fait rire à chaque fois que vous la voyez. Je vais prendre cette scène et l’intégrer à un autre film de mon choix. Ce film sera La Liste de Schindler, un film oscarisé sur les efforts d’un homme pour sauver des vies juives durant l’Holocauste. Si vous ne l’avez jamais vu, c’est un drame déchirant plein d’émotions. Qu’apporterait l’ajout de votre scène comique à ce film ? Elle n’y trouverait certainement pas sa place, serait probablement beaucoup moins drôle, et aurait toutes les chances d’être choquante. Le contexte est important. Les choses ne sont pas jugées isolément, mais à travers leurs relations avec tout ce qui les entoure.

Cette carte qui est si géniale hors contexte pourrait être tout sauf amusante dans le contexte de votre extension. Ou alors, elle pourrait conduire les joueurs à avoir des attentes que votre extension ne pourra jamais remplir. Un joueur faisant un draft de votre extension pourrait percevoir des signaux erronés. Une extension Magic est jugée par ses interactions, ce qui signifie que chaque composante de votre extension doit agir dans le même sens. Cette question vous oblige à regarder chaque carte et à vous demander « Mon extension est-elle meilleure grâce à la présence de cette carte ? ». Si pour n’importe laquelle des cartes la réponse est non, celle-ci doit être modifiée.

Question n°3 : Les éléments fonctionnent-ils ensemble ?

Chaque élément de votre extension contribue à votre concept global. Cela signifie que l’ensemble devrait fonctionner à merveille. Euh, non. Il existe de nombreuses manières de suivre un thème, et certaines d’entre-elles peuvent tout à fait se contredire. Je vous donne un exemple. J’ai décidé de faire plaisir à Mons en faisant une extension Explosion Gobelin (ndt : Mons Johnson est un grand fan de gobelins et à l’origine de la carte « Pillards gobelins de Mons »). Explosion Gobelin est une extension tribale dédiée aux gobelins. Chaque créature y est un gobelin (nain et gobelin, ondin et gobelin, zombie et gobelin, elfe et gobelin, pour n’en nommer que quelques-uns). Chaque sort non-créature fait référence aux gobelins d’une façon ou d’une autre.

Imaginons maintenant que je décide de fournir à plusieurs de ces créatures des capacités statiques qui accordent quelque chose aux gobelins. « Tous les gobelins acquièrent la célérité et la menace. » Ce genre de choses. Puis imaginez également que je fasse une mécanique pour les éphémères et les rituels qui vous permette un effet de fourche pour ce sort si vous sacrifiez un gobelin. Chacun de ces éléments est exactement dans le thème, mais ils ne fonctionnent pas nécessairement bien ensemble. Les capacités statiques demandent qu’il y ait de nombreux gobelins sur le champ de bataille. La mécanique de sort veut vous faire sacrifier des gobelins. Ces deux éléments ne cohabitent généralement pas très bien.

Un autre aspect de cette question serait : les différents éléments vont-ils dans le même sens ? Une autre erreur de débutant est d’attribuer trop d’importance à la tension. « Oh, vous avez des décisions difficiles à prendre – ça va rendre les choses plus amusantes. » La plupart du temps ce n’est pas le cas. Les meilleures extensions envoient un signal clair sur ce que les joueurs devraient vouloir faire. Ce qui est amusant, c’est de déterminer comment atteindre ces objectifs de la façon la plus efficace et puissante, non pas de devoir chercher l’objectif lui-même.

Pour prendre un exemple de la vie réelle, au début de Les cicatrices de Mirrodin, nous avons expérimenté avec l’idée d’avoir des cartes qui vous récompensaient pour avoir été empoisonné. Ne serait-ce pas cool s’il était parfois avantageux de se faire empoisonner ? Mais ce qui est arrivé, c’est que les joueurs ne savaient plus s’ils devaient attaquer ou non avec des créatures avec le poison et quand ils se trompaient, ils avaient l’impression d’avoir fait une erreur, même si à ce moment on ignorait totalement quelle était la bonne décision. Nous avons retiré cet élément et les joueurs se sont beaucoup plus amusés, car ils savaient alors quoi faire de leurs créatures avec le poison — attaquer !

En élaborant votre thème, il est tout à fait acceptable d’examiner de nombreuses pistes afin de déterminer ce que vous préférez. Mais à un moment donné vous devez choisir votre direction, puis vous concentrer sur celle-ci. Cette question s’assure que vous ayez bien choisi une direction au sein de votre concept pour que les différents éléments de votre création ne soient pas en porte-à-faux les uns par rapport aux autres.

Question n°4 : La façon de jouer est-elle amusante ?

Votre extension tourne autour d’un sujet. Toute votre extension ! Et les éléments fonctionnent bien ensemble plutôt que de se gêner mutuellement. La prochaine question est très basique : est-il amusant d’y jouer ?

Cette question peut sembler un peu farfelue, mais elle est en fait très sérieuse. Une erreur courante que je rencontre dans les créations débutantes est qu’en essayant de faire fonctionner l’extension, on se concentre tellement sur les petits détails qu’on perd de vue l’ensemble. Un jeu, ou dans notre cas une extension, réussit ou échoue grâce à un élément basique : les joueurs s’amusent-ils en y jouant ? Est-ce amusant de faire ce que l’extension demande à vos joueurs de faire ?

De toutes les questions que je vous pose, celle-ci est la plus à risque d’être survolée parce que le fait de faire quelque chose, de passer des semaines - voire des mois - sur la même création, vous insensibilise face à la connexion existant entre le créateur, le joueur et les cartes. C’est comparable à ce qui se passe pour un monteur de film, après qu’il ait vu la même scène des centaines de fois. Il devient difficile de se faire une opinion qui ne soit pas contaminée quand on est lié si intimement au sujet en question.

C’est une des raisons pour lesquelles il existe des tests de jeu et que vous y faites participer d’autres personnes. Il faut cependant prendre soi-même un peu de distance pour pouvoir observer votre propre création avec un regard neuf. Diriger quelque chose signifie en partie être celui qui approuve ce qu’est devenue votre création. Vous devez pouvoir prendre du recul pour voir la forêt qui se cache derrière l’arbre. Cela nécessite de jouer avec votre extension et d'être honnête envers vous-même pour dire si les questions que le jeu vous pose en tant que joueur sont amusantes.

Ce qui est intéressant dans ce processus, c’est qu’en changeant votre point de vue, en vous sortant des soucis de détail, il vous arrive de trouver une clarté que vous n’aviez pas auparavant. Je découvre souvent en période d’évaluation que je peux commencer à réfléchir à ma création de manière différente, ce qui m’offre la liberté de l’analyser sous un nouvel angle et de voir si j’ai dérapé vers un endroit qui n’est pas à la hauteur du potentiel du concept.

Notez bien que cette question ne vous demande pas d’évaluer toutes les composantes, mais plutôt de vérifier si l’orientation générale choisie conduit de manière intrinsèque à une extension de Magic amusante.

Question n°5 : Y a-t-il de la profondeur ? (Y a-t-il assez de place pour des découvertes ?)

Cette prochaine question veut évaluer votre extension sous un angle différent, alors laissez-moi vous parler de quelque chose que j’appelle la superposition de couches. C’est une technique d’écriture qui m’a été enseignée par ma professeure d’écriture préférée à l’université. Un jour elle nous a dit « Quand vous écrivez, vous devez vous assurer qu’à chaque fois que quelqu’un lit votre travail, il en retire quelque chose de différent — que la première lecture soit une expérience différente de la deuxième, qui elle diffère de la troisième et ainsi de suite. »

Nous étions nombreux à apprécier l’idée sans pour autant savoir comment la réaliser. Elle a pris comme exemple le célèbre film japonais Rashomon. Bien que vous ne soyez probablement pas nombreux à l’avoir vu, sachez que le type d’histoire qu’il a créé est devenu un standard de narration moderne. Dans une histoire de type « Rashomon », vous entendez continuellement des morceaux de l’histoire racontés de différentes perspectives par différentes personnes, et à partir de ces nouvelles perspectives vous commencez à réévaluer les informations obtenues auparavant.

Ma professeure expliquait que chaque lecture de votre histoire devait offrir au lecteur une nouvelle perspective, de manière à ce que, tout comme dans une histoire « Rashomon », il puisse réévaluer ce qu’il sait déjà. Pensez à n’importe quelle histoire avec un retournement de situation. Lors de la deuxième lecture, vous connaissez ce retournement et vous pouvez maintenant voir où et quand l’auteur a commencé à le mettre en place, fournissant des indices qui vous avaient préalablement échappé.

La superposition de couches survient quand vous ajoutez des éléments à votre histoire qui ne peuvent pas être complètement saisis sans des informations qui se trouvent ailleurs, en général plus loin dans l’histoire. Pour un jeu de cartes à collectionner de stratégie, la superposition de couches ajoute des éléments que les joueurs peuvent apprendre, mais pas sans avoir au préalable compris d’autres aspects de l’extension. L’idée est d’intégrer des éléments dans votre déroulement du jeu qui doivent être « débloqués », dans le même esprit que ceux des jeux vidéos. Un bon exemple de ceci dans Magic est l’ajout de synergies qui ne sont peut-être pas tout de suite évidentes. Ce n’est pas avant que le joueur se retrouve avec une carte de chaque élément en main, qu’il apprend que ceux-ci peuvent se combiner entre eux. Le joueur va alors commencer à chercher de nouveaux moyens de combiner ces effets, ce qui lui permettra de découvrir d’autres nouveaux éléments qui auront été ajoutés en tant que couches supplémentaires.

Cette question vous demande si vous vous êtes bien assuré que votre extension contienne des éléments que les joueurs vont pouvoir découvrir, au fur et à mesure que de plus en plus d’éléments de votre extension commenceront à interagir.

Question n°6 : Avez-vous ajouté quelque chose de nouveau ? (Y a-t-il quelque chose pour surprendre votre public ?)

La toute première chose que les joueurs demandent lors de la preview d’une extension est « Qu’y a-t-il de nouveau ? ». Je suis certes convaincu que l’innovation peut être surévaluée lors de la création, mais il vous faut toujours quelque chose de nouveau. Une partie de l’expérience de jouer avec une nouvelle extension de Magic est de pouvoir observer le jeu sous un angle un peu différent de celui auquel vous êtes habitué. J’explique souvent que je sais qu’une extension a sa propre identité quand je me retrouve à m’intéresser à un certain aspect du déroulement du jeu auquel je ne m’intéresse pas d’habitude (les poses de terrain dans Zendikar en sont un exemple célèbre).

Il arrive souvent lors de la création de Magic de commencer dans un espace vierge, et lors de l’évolution de l’extension de nous rapprocher de plus en plus du fonctionnement habituel des choses. Je suis incapable de compter les fois où nous avions créé une toute nouvelle mécanique, puis, au fur et à mesure des tests de jeu et des itérations, d’avoir vu la mécanique se transformer lentement en quelque chose qui existe déjà. Magic aura 24 ans cette année, ce qui signifie que nous avons déjà couvert pas mal de terrain. Il est important de bien observer votre extension et de vous assurer que vous soyez en effet en train d’innover, plutôt que de simplement reconditionner quelque chose que les joueurs ont déjà vu auparavant. (D’ailleurs, je n’ai absolument rien contre le reconditionnement d’anciens éléments pour correspondre à la nouvelle ambiance de l’extension, mais ne vous y fiez pas trop pour le côté innovation.)

Question n°7 : Y a-t-il l’ambiance Magic ? (Les joueurs auront-ils quelque chose qu’ils pourraient ajouter à leurs decks déjà existants ?)

Cette question est diamétralement opposée à la question précédente. Oui, vous voulez que chaque extension offre quelques éléments nouveaux, mais vous voulez également qu’elle contienne suffisamment de choses familières pour qu’il s’agisse toujours du jeu que les joueurs connaissent et adorent. Il est possible de créer une extension de Magic qui, techniquement, opère toujours dans le cadre des règles, mais qui ne donne plus l’impression d’être du Magic. L’objectif de toute création est de créer quelque chose qui ajoute à l’expérience dans son ensemble.

Le plus gros souci est ici ce que le R&D désigne comme parasitisme. C'est-à-dire, avez-vous fait des choses dans votre extension qui se jouent bien ensemble mais qui ne se relient pas au reste de Magic ? Il vous faudra un peu de parasitisme. C’est agréable que votre extension ait de nouveaux thèmes qui exigent que vous les exploriez, mais vous voulez aussi vous assurer que ces thèmes puissent toujours se combiner aux autres extensions.

Cette question finale essaye de s’assurer du fait que vous avez atteint un bon équilibre. Vous voulez que votre extension fonctionne bien en elle-même, mais pas au point de remplacer son bon fonctionnement avec d’autres extensions. Vous voulez que votre extension ait l’air fraiche et innovante, mais pas au point de ne plus ressembler à du Magic. Vous voulez que votre extension ait une identité, mais une qui clame son appartenance à l’identité plus générale du jeu. Vous avez fait tout ce que votre extension est censée faire ; prenons juste le temps de vérifier qu’il s’agisse bien d’une extension de Magic.

Un point sept tout

Et voici, chers collègues créateurs, les sept questions à se poser quand vous évaluez votre extension avant de la terminer (après seulement neuf ans, nous nous en rapprochons). La clé pour chacune de ces questions est d’oser être brutalement honnête. Une bonne création exige un lien émotionnel avec ce que l’on crée, et c’est pourquoi prendre du recul pour l’évaluer d’un regard critique est une tâche difficile — très difficile — mais cruciale. C’est le dernier grand défi avant la finalisation. Prenez le temps et faites l’effort de bien le faire.

C’est tout le temps que j'ai pour aujourd’hui. Cet article vous a présenté de nombreux sujets de réflexion. Si vous avez des questions générales sur le processus que j’ai exposé aujourd’hui (je ne peux pas vous parler de points spécifiques, surtout au sujet de nouvelles cartes ou mécaniques), n’hésitez pas à me les envoyer à mon e-mail ou par n’importe lequel de mes comptes sur les réseaux sociaux (Twitter, Tumblr, Google+ et Instagram). De plus, si vous avez des commentaires par rapport à l’article d’aujourd’hui, j’aimerais bien sûr les entendre.

Rejoignez-moi la semaine prochaine pour les previews de Modern Masters édition 2017.

D’ici-là, continuez à vous poser les questions difficiles.


 
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