J’adore le pentagramme des couleurs, ce n’est pas un secret. C’est la fondation sur laquelle sont construites les mécaniques et l’ambiance de Magic. L’été dernier, j’ai écrit une série de cinq articles dans lesquels j’ai revisité les philosophies des couleurs (blanc, bleu, noir, rouge et vert).

Aujourd’hui je vais examiner les cinq couleurs sous un autre angle. Je vais m’attaquer aux cinq conflits fondamentaux du pentagramme des couleurs. Je ne vais pas seulement expliquer ce que sont ces conflits, mais aussi comment ceux-ci se superposent.

Avant de passer aux conflits, je vais rapidement passer en revue les philosophies de chacune des cinq couleurs (revue basée sur les articles dont j’ai indiqué les liens plus haut).

Le blanc

Le blanc désire la paix.

Il perçoit la souffrance du monde autour de lui. Il y a tant d’individus qui doivent lutter quotidiennement, alors que le monde détient les ressources pour combattre ces souffrances. Il y en a assez pour que tout le monde obtienne ce dont il a besoin (plutôt que ce qu’il désire). La souffrance est une conséquence malheureuse des désirs égoïstes d’individus qui négligent le bien commun.

Le blanc veut créer un monde dépourvu de souffrance inutile, un monde où chaque individu vit la meilleure vie possible. Pour y parvenir, il faut enseigner aux individus l’importance d’agir dans l’intérêt du groupe, même si ces actions ne leur profitent pas personnellement.

Le problème de cette vision est qu’elle ne peut fonctionner que si tout le monde s’engage à atteindre le même objectif collectif. Dès que certains individus donnent la priorité à autre chose, comme par exemple leurs propres désirs, le plan s’écroule. Pour cette raison, le blanc doit déployer les grands moyens pour que le groupe comprenne le pouvoir qu’il détient et garde une vision d’ensemble de la situation.

Le blanc veut que ses motivations soient comprises par le plus grand nombre possible et qu’elles soient partagées. Mais le blanc sait que pour accomplir son grand objectif, certains individus vont devoir être guidés sur le bon chemin, plutôt que de le suivre de leur propre gré.

Le bleu

Le bleu cherche la perfection.

Le bleu est convaincu qu’à la naissance chacun de nous, telle une page blanche, a le potentiel de devenir n’importe quoi. Le but d’une vie est de trouver tout ce que l’on peut devenir avec la bonne éducation, l’expérience et les bons outils. Il ne s’agit donc pas d’un objectif à atteindre, mais d’une mission à poursuivre tout au long d’une vie. On est toujours capable d’améliorer, changer ou adapter quelque chose. Le chemin de la vie est une continuelle exploration des moyens pour s’améliorer.

Pour que les individus agissent ainsi, une société doit accepter et encourager ce comportement. Bénéficier de possibilités pour s’éduquer est essentiel. Il doit obligatoirement exister des endroits où l’on peut acquérir de l’expérience par le biais d’essais et d’erreurs. L’accès aux outils les plus sophistiqués doit être un droit fondamental pour tout citoyen.

Mais cette façon de vivre nécessite aussi une attitude appropriée. Il faut être ouvert aux possibilités, sans pour autant agir trop précipitamment. Le bleu reconnaît qu’il y a de nombreuses forces, certaines venant possiblement de l’intérieur, qui peuvent amener un individu à s’égarer. Le temps est une ressource précieuse, car il en faut obligatoirement pour pouvoir s’améliorer. Les individus doivent donc être prudents et réfléchis dans toutes leurs prises de décision. Il est préférable d’évaluer consciencieusement ses options et de faire le bon choix plutôt que de se précipiter sur l’un d’entre eux.

Le bleu est méthodique et précis. Quand on s’engage à devenir le meilleur individu possible, on ne peut pas se permettre de se tromper. Sauf si cette erreur apparaît dans un environnement contrôlé.

Le bleu veut s’améliorer, mais veut aussi perfectionner le monde dans lequel il vit. Ceci implique en partie que le bleu doit non seulement s’assurer l’accès aux ressources dont il a besoin, mais il a aussi la conviction que vivre dans un monde qui a atteint son propre potentiel fait intrinsèquement partie de sa propre quête pour atteindre le sien. De ce fait le bleu, la couleur qui s’intéresse le plus à la technologie, cherche toujours la dernière et la meilleure version de tout ce dont elle se sert.

Le noir

Le noir cherche le pouvoir.

Quand le noir regarde les autres couleurs, il remarque que chacune d’elles voit le monde comment elle voudrait qu’il soit. Le noir est le seul réaliste du lot, la seule couleur à observer et percevoir le monde tel qu'il est réellement. Un individu est libre d’avoir ce qu’il veut, du moment qu’il est capable de l’obtenir et de le garder. Cela signifie que le pouvoir est la ressource la plus importante, car il est LE facteur qui peut garantir votre capacité de contrôler votre vie, et par conséquent votre bonheur.

Tout le monde doit bien comprendre que le noir n’a pas rendu le monde cupide. Le monde l’était déjà et le noir a seulement appris comment y prospérer. Le noir a deux importants facteurs qui agissent en sa faveur. Premièrement, il comprend et accepte le système mieux que quiconque. Et deuxièmement, le noir ne s’impose aucune restriction qui rendrait sa course au succès plus difficile.

La philosophie du noir est très simple : Personne n’est plus apte à veiller sur ses propres intérêts que l’individu lui-même. Si tout le monde œuvre pour son intérêt propre, vous avez donc créé un système où chacun bénéficie réellement de quelqu’un pour veiller sur lui. De plus, le système du noir permet de donner à chacun une chance de réussir. Tout le monde réussira-t-il ? Bien sûr que non—mais là encore, ce n’est pas la faute du noir. C’est juste comme ça que le monde fonctionne.

Les faibles vont échouer. C’est pour ça qu’ils sont faibles. Faire quoi que ce soit pour les aider ne fera que prolonger l’inévitable, et augmentera le risque d’échouer à leurs côtés. Ça n’a rien de personnel. Le noir fait ce qu’il faut pour réussir. Si certains sont incapables de le faire, alors ils méritent ce qui leur arrive. D’autres y voient une profonde insensibilité, alors que le noir est simplement pragmatique.

Il y aura toujours ceux qui vont souffrir. Et encore une fois, le noir n'y est pour rien. C’est un fait incontournable de la vie. Le noir est simplement la seule couleur qui reconnaît la vérité et agit en conséquence.

Le rouge

Le rouge cherche la liberté.

Tout le monde semble s’interroger sur le sens de la vie. Pas le rouge, car il connaît déjà la réponse. Votre cœur vous dit ce dont il a besoin pour être comblé. Tout ce que vous devez faire est de l’écouter et d’agir en conséquence. Il n’y a pas de secret. Vous êtes littéralement bombardé de sentiments et d’émotions qui vous mettent sur la bonne voie. Le problème, c’est que toutes les autres couleurs ignorent le message.

La vie est une aventure et libre à chaque individu de vivre sa propre expérience. La clé est d’écouter ses émotions et de se laisser guider par elles. Riez quand vous êtes heureux. Pleurez quand vous êtes triste. Frappez quelque chose quand vous êtes en colère. Fuyez quand vous avez peur. Écoutez votre voix intérieure et vous pourrez faire l’expérience de tout ce que la vie peut vous offrir.

Trop d’individus vivent leur vie en mettant en question leurs choix passés. Pas le rouge. Il vit dans l’instant : le rouge est spontané et accueille chaque aventure comme elle se présente. Le rouge sait que, sur ses derniers jours, il pourra contempler une vie épanouie et sans regret. C’est ce qu’il veut—la possibilité de vivre sa vie en faisant ce qu’il doit faire.

Cela ne veut pas dire que le rouge est seul. Bien au contraire. Pour bien vivre sa vie, il faut aussi célébrer les relations. Le rouge connaît la passion, la loyauté, la camaraderie et le désir. Quand le rouge tisse des liens avec quelqu’un, ils sont forts et intenses. Que ce soit l’amour ou l’amitié, il sera toujours là quand vous aurez besoin de lui. C’est-à-dire, sauf si la vie l’a conduit autre part pour un certain temps—mais quand il reviendra, il sera vraiment là pour vous.

Le rouge peut sembler un peu chaotique, mais c’est uniquement parce que les autres ne peuvent pas regarder dans le cœur du rouge. Ils ne peuvent pas sentir comment les émotions du rouge le guident. Vivre la vie au maximum demande beaucoup de persévérance et de ténacité mais le rouge répond toujours présent à l’appel.

Le vert

Le vert cherche l’acceptation.

Les autres couleurs se concentrent sur leurs moyens de changer le monde et de l’améliorer. Le vert est la couleur qui ne veut pas changer le monde, car elle est convaincue que tout y est déjà comme il faut. L’ordre naturel est quelque chose de magnifique et offre toutes les réponses aux questions de la vie. La clé est de prendre du recul et reconnaître ce qui se trouve déjà devant vous.

Chaque individu est né avec tout le potentiel dont il a besoin. Le secret d’une vie heureuse est de reconnaître le rôle que vous êtes né pour tenir et de l’accepter, de l’accueillir à bras ouverts. Faites ce que vous êtes destiné à faire. Le monde est un système complexe et chacun de nous a son rôle à jouer. Ce n’est pas non plus quelque chose qu’il faut essayer de deviner. Nous en sommes imprégnés, cela fait partie de nos gènes. Il suffit d’un peu d’introspection.

En plus, vous devez apprendre votre position dans un contexte plus vaste. La nature possède une structure merveilleuse. Une partie de la vie consiste à reconnaître le rôle qu’on joue et la manière dont ce rôle est connecté à la grande toile de la vie. Vous n’êtes pas seul. Vous faites partie d’un système complexe regorgeant d’interdépendances.

Le problème, c’est qu’il se passe tellement de choses qu’il est facile de perdre de vue ce qui est déjà là. Trop nombreux sont les individus qui se perdent tellement dans les détails de leur vie qu’ils ne pensent même pas à prendre du recul et à essayer de comprendre le contexte global. Le vert croit fondamentalement que les autres couleurs ne prennent simplement pas le temps d’apprécier ce qui se trouve déjà devant elles.

Prose et conflits

Si vous avez déjà regardé le dos d’une carte de Magic, alors vous avez vu ce cercle, c’est-à-dire le pentagramme des couleurs.

Chacune des couleurs est alliée à ses deux couleurs voisines, et est l’ennemie des deux couleurs qui lui font face. Maintenant que nous avons examiné chacune des couleurs séparément, regardons ce qui se passe si nous apparions les couleurs avec leurs ennemies. Comme vous allez le voir, cinq conflits se profilent.

Le bien du groupe contre le bien de l’individu (blanc contre noir)

Le blanc croit en la moralité — qu’il existe des vérités absolues pour les concepts du bien et du mal. Une de ces vérités est qu’une société doit prendre soin de ses membres les plus faibles. Il est inacceptable qu’une personne se gave alors que d’autres souffrent de la famine. Il est donc impératif que la structure de la société soit conçue pour maximiser la protection de ceux qui ont le plus besoin d’aide.

Le noir est convaincu qu’il est important de motiver les gens à vouloir s’en sortir. Donner à tout le monde l’accès à des opportunités puis permettre à ceux qui font l’effort de récolter les récompenses. Si une personne investit le travail et le temps nécessaires pour se distinguer, pourquoi devrait-elle recevoir la même chose que quelqu’un qui n’a même pas fait l’effort d’essayer ? Si on veut voir les personnes donner le meilleur d’elles-mêmes, il faut savoir les motiver.

En résumé, c’est l’affrontement classique entre le bien du groupe et le bien de l’individu. Une société doit-elle minimiser la souffrance ou maximiser la motivation ? Qu’est-ce qui est plus important — la charité ou le mérite ? Quand on permet aux personnes d’échouer, est-ce une grande injustice ou une occasion importante de leur enseigner quelque chose ? Notre société est-elle jugée par la manière dont nous traitons nos membres les plus faibles ou par celle dont nous récompensons les plus forts ?

Pour le blanc, c’est une question de responsabilité sociale de s’intéresser au bien-être de tous. Le blanc voit le noir comme immoral, s’intéressant exclusivement à des préoccupations égoïstes. Le blanc voit ce conflit comme celui du bien contre le mal.

Pour le noir, c’est une question de responsabilité personnelle, de créer un système qui pousse les gens à faire de leur mieux. Le noir voit le blanc comme favorisant les faibles, les confinant au rôle de victimes plutôt que d’essayer de les encourager à s’améliorer. Le noir le voit comme un conflit entre l’encouragement et la dorloterie.

Dans sa plus simple expression, ce conflit tourne autour de la façon dont les individus hiérarchisent leurs décisions.

Tête contre cœur (bleu contre rouge)

Le bleu est convaincu de la puissance de l’intellect. S’améliorer demande une certaine force mentale. Il faut être attentif, concentré, minutieux et patient. Chaque étape doit être soigneusement gérée pour garantir de toujours avancer dans la bonne direction vers l’objectif ultime. Écoutez votre tête car elle va toujours vous guider sur la bonne voie.

Le rouge est convaincu de la puissance des émotions. Votre corps vous parle et il est non seulement essentiel de l’écouter mais aussi d’agir spontanément et avec enthousiasme. La clé du bonheur est d’écouter votre instinct et de ne jamais avoir à vivre avec le regret de ne pas avoir poursuivi vos rêves. Suivez votre cœur car il va toujours vous guider sur la bonne voie.

En résumé, c’est l’affrontement classique entre le cœur et la tête. Écoutez-vous votre intellect ou vos émotions ? Êtes-vous guidé par ce que vous pensez ou ce que vous ressentez ? Devriez-vous agir avec précaution ou passionnément ? Qui vous apportera le plus de bonheur : une logique soigneusement exécutée ou des impulsions suivies avec passion ?

Pour le bleu, c’est une question de prendre le temps pour bien organiser les détails de votre vie. Le bleu voit le rouge comme inutilement impétueux et dangereusement négligent. Le bleu le voit comme un conflit entre la prudence et l’imprudence.

Pour le rouge, c’est une question de comprendre et d’agir sur les choses qui vous sont les plus importantes. Le rouge considère le bleu comme froid et détaché. Le rouge le voit comme un conflit entre la passion et l’indifférence.

Dans sa plus simple expression, ce conflit tourne autour de la manière dont nous vivons notre vie.

Le libre arbitre contre la destinée (noir contre vert)

Le noir est convaincu que vous êtes responsable de la création des opportunités qui vous permettent d’avancer dans la vie. Aucun obstacle n’est insurmontable si on est prêt à faire ce qui est nécessaire. La clé est de comprendre le pouvoir que l’on porte en soi pour provoquer le changement.

Le vert est convaincu que la voie que vous empruntez dans la vie est prédéterminée — vous êtes né pour remplir un rôle précis. Votre devoir est de déterminer précisément ce qu’est cette voie, de l’écouter, puis de consciencieusement remplir le rôle qui vous est attribué. Il y aura des distractions tout au long de la vie qui vous égareront, mais vous devez avoir la force morale d’accomplir votre destinée.

En résumé, c’est le conflit classique entre le libre arbitre et la destinée. Quel degré de contrôle avez-vous sur l’aboutissement de votre vie ? Chacun de vos choix est-il le vôtre ou fait-il partie d’un plan plus vaste ? Pouvez-vous changer ce que la vie a prévu pour vous ou votre chemin est-il déjà tout tracé ?

Pour le noir, c’est une question d’avoir la force de reconnaître que vous contrôlez votre avenir. Le noir voit le vert comme un sot croyant en des choses qui en réalité n’existent pas. Le noir voit ce conflit comme celui de l’opportunité face à la superstition.

Pour le vert, c’est une question d’accepter les modèles inhérents à ce monde. Le vert voit le noir comme un cynique qui n’arrive pas à voir la vérité qui se trouve sous son nez. Le vert voit ce conflit comme celui de la vérité face au scepticisme.

Dans sa plus simple expression, c’est un conflit qui tourne autour du rôle que vous jouez dans votre vie.

Liberté contre sécurité (rouge contre blanc)

Le rouge est convaincu que le but de la vie est pour chaque personne de trouver sa propre passion en suivant ses impulsions.

Pour cela, nous devons vivre dans une société qui place les besoins de l’individu en avant pour que celui-ci puisse explorer le chemin qu’il a décidé d’emprunter, quel qu’il soit. Ce monde ne doit connaître aucune restriction ni limitation.

Le blanc veut créer un monde qui maximise le bonheur du groupe. Un élément-clé pour cela est de s’assurer que tout le monde soit en sécurité. Pour y parvenir, il doit y avoir des règles qui assurent que les individus ne mettent pas le groupe en danger de manière égoïste.

Pour résumer, c’est l’affrontement classique entre la liberté et la sécurité. Quel est le meilleur choix pour une société ? Un monde dans lequel on peut agir librement ou dans lequel on est protégé ? Donnons-nous la priorité à la possibilité pour l’individu d’agir comme il le souhaite ou à la société de se protéger au mieux ? Une loi sur les ceintures de sécurité entrave-t-elle les libertés individuelles ou sauve-t-elle des vies ? Combien de libertés individuelles sommes-nous prêts à sacrifier pour protéger la société ?

Pour le rouge, cela revient à savoir si d’autres peuvent vous dicter la façon de vivre votre vie. Le rouge voit le blanc comme un dictateur qui impose arbitrairement sa volonté. Le rouge y voit le conflit entre la démocratie et l’autoritarisme.

Pour le blanc, c’est une question de responsabilité sociale, de se préoccuper du bien-être et de la prospérité du plus grand nombre. Le blanc voit le rouge comme quelqu’un qui célèbre l’anarchie et met la société en danger. Le blanc voit ce conflit comme celui de l’ordre et du chaos.

Dans sa plus simple expression, ce conflit porte sur la meilleure façon de nous gouverner.

Le naturel contre l’acquis (vert contre bleu)

Le vert est convaincu que chaque personne est née avec tous les attributs qui la définissent. Que ses forces et ses faiblesses, tout ce qui détermine qui et ce qu’elle sera, que tout cela vient de l’intérieur, de son code génétique, de sa physiologie, de sa biologie.

Le bleu est convaincu que chaque créature vient au monde comme une page blanche et qu’elle a le potentiel de devenir n’importe quoi. Avec la bonne éducation, les bonnes expériences et les bons outils chaque personne possède la capacité de choisir elle-même les traits qui la définissent pour devenir ce qu’elle décide vouloir devenir.

Pour résumer, voici l’affrontement classique entre l’inné et l’acquis. Qu’est-ce qui définit ce que nous sommes ? Sommes-nous nés avec les attributs qui vont dicter au final ce que nous devenons ou sommes-nous quelque chose qui peut être façonné pour devenir ce que nous désirons devenir ? Notre potentiel est-il fixé ou illimité ? Sommes-nous définis par nos gènes ou par notre environnement ? Qu’est-ce qui importe plus : la sagesse de notre passé ou la connaissance de notre avenir ?

Pour le vert, cela revient à se demander si on est prêt à s’accepter pour ce que nous sommes nés pour devenir. Le vert voit le bleu comme quelqu’un qui ne veut pas accepter ce qu’il est réellement. Le vert y voit un conflit entre l’acceptation et le déni.

Pour le bleu, c’est la question de savoir si nous sommes prêts ou non à embrasser les innombrables possibilités qui s’offrent à nous. Le bleu voit le vert comme quelqu’un qui refuse de changer. Le bleu y voit un conflit entre l’opportunité et la stagnation.

Dans sa plus simple expression, ce conflit tourne autour de l’identité et comment nous nous considérons.

Relier les points et faire le lien

Un des aspects les plus intéressants des conflits du pentagramme des couleurs est que chaque couleur se bat fondamentalement pour la même chose contre chacune de ses ennemies.

Le blanc contre le noir et le rouge

Le blanc cherche la paix. Il veut prendre des mesures pour optimiser la qualité de vie de tout le monde. Il entre en conflit avec les deux forces qui sont le plus à même d’empêcher cela : l’égoïsme et la témérité. Le blanc a utilisé l’ordre comme outil pour aider la société à faire les bons choix. Il a façonné la morale et le droit civil. Cette couleur a créé la religion et le gouvernement.

Le conflit du blanc face au noir tourne autour de la moralité. Le blanc protège les faibles en faisant comprendre à tout le monde qu’il est de leur responsabilité morale de s’occuper de ceux dans le besoin. Le noir discrédite cela en mettant en question l’existence même de la moralité. Il exploite l’égoïsme des gens pour les pousser à ne s’occuper que d’eux-mêmes.

Le conflit du blanc avec le rouge tourne autour du civisme. Le blanc protège les faibles en créant des règles qui punissent ceux qui les exploitent. Le rouge sabote ceci en remettant en question la nécessité même de ces lois. Il exploite l’aversion qu’ont les gens à s’entendre dire quoi faire.

Le conflit du blanc revient essentiellement à sauvegarder une structure face aux forces qui veulent la détruire, voire même empêcher sa mise en place.

Le bleu contre le rouge et le vert

Le bleu cherche la perfection. Il veut faire tout en son pouvoir pour créer la meilleure version possible de soi-même et de la société. Il est en conflit avec les deux forces qui pourraient l’en empêcher : la myopie et la résistance au changement. Le bleu utilise le savoir comme outil pour permettre à l’individu de réaliser le potentiel dont il est capable. Il est pour l’enseignement, l’entraînement et la création d’outils qui permettent aux individus de s’améliorer et de prospérer. Cette couleur a créé l’éducation et la technologie.

Le conflit du bleu face au rouge tourne autour de la retenue. Le bleu enseigne que par une planification et un calcul minutieux une personne peut planifier son avenir. Le rouge le remet en question en ne pensant toujours qu’à court terme et en prenant des décisions impulsives qui sont destructrices sur le long terme. Le rouge exploite l’impulsivité de la nature humaine qui recherche la satisfaction immédiate.

Le conflit du bleu et du vert tourne autour de la volonté de changer. Le bleu est à la pointe de la technologie, toujours en quête du savoir pour trouver de nouvelles réponses aux problèmes de la vie. Le vert discrédite cela en remettant en question l’utilité même du changement. Il exploite le caractère routinier du comportement humain et la peur innée de tout ce qui est nouveau.

Le conflit du bleu tourne autour de sa volonté d’imposer un changement délibéré et progressif face à des forces qui voudraient le détourner ou l’arrêter.

Le noir contre le vert et le blanc

Le noir recherche le pouvoir. Le noir croit en la responsabilité personnelle et veut offrir à tout un chacun la possibilité de contrôler sa propre vie. Il est en conflit avec les deux forces qui veulent priver l’individu de ses choix : les faux concepts du destin et de la moralité. Le noir veut créer des opportunités en permettant aux gens de choisir et d’assumer leurs décisions. Cette couleur a créé les concepts du libre arbitre et de l’autonomisation personnelle.

Le conflit du noir avec le vert tourne autour du destin. Le noir prêche que chaque personne contrôle ce qu’elle choisit de faire de sa vie. Le vert remet cela en question en affirmant que la vie de toute personne est prédéterminée et qu’on est obligé de suivre la voie qui nous a été assignée. Le vert exploite la crainte naturelle face à l’incertitude et séduit avec une promesse d’une récompense qu’on n’a pas besoin de mériter.

Le conflit du noir avec le blanc tourne autour de la question du pragmatisme. Le noir prône qu’on ne peut se fier qu’à nous-mêmes. Dépendre d’autrui vous expose à la déception ou pire encore. Le blanc discrédite cela en avançant que les forts ont l’obligation de protéger les faibles, que les gens ne méritent pas plus quand ils travaillent plus. Le blanc profite du fait que les faibles sont plus nombreux que les puissants et leur donne un faux sentiment de mérite.

Le conflit du noir tourne autour de la création d’un système qui récompense le mérite face à des forces qui entérinent la faiblesse.

Le rouge contre le blanc et le bleu

Le rouge cherche la liberté. Le rouge désire être libre de suivre ses passions, peu importe où elles le mènent. Il est en conflit avec les deux forces qui veulent lui barrer la route : la prudence et l’impassibilité. Le rouge cherche l’action ; il encourage tout le monde à suivre ses pulsions. Cette couleur a créé l’enthousiasme et la spontanéité.

Le conflit entre le rouge et le blanc tourne autour de la création de règles inutiles. Le rouge comprend que la vie vous expose à des dangers, mais aucun d’eux n’est aussi problématique qu’une vie qui n’a pas été vécue, que le regret des décisions qu’on n’a jamais prises. Le blanc sape cela en avançant un plan qui donne la priorité à la sécurité du groupe plutôt qu’aux droits de l’individu. Il exploite la réticence naturelle des gens face à d’éventuelles blessures.

Le conflit du rouge face au bleu tourne autour de la tendance à l’inactivité. Le rouge comprend bien les risques à agir en présence de facteurs inconnus, mais gérer les hauts et les bas de la vie fait simplement partie du parcours. Le bleu le remet en question en avançant que les problèmes doivent être entièrement compris et analysés avant que l’on puisse s’y attaquer. Le bleu exploite la réticence à faire des erreurs.

Le conflit du rouge est de promouvoir l’action face à des forces qui poussent les gens à ralentir.

Le vert face au bleu et au noir

Le vert cherche la croissance. Le vert est convaincu de la perfection de notre système naturel et veut simplement l’aider à agir/à s’épanouir librement sans interférences de l’extérieur. Il est en conflit avec les deux forces qui veulent créer un changement artificiel : l’impulsion à changer notre identité et notre destin. Le vert veut encourager une acceptation du système naturel, faire réaliser à tout le monde qu’on n’a pas besoin de chercher un changement pour améliorer les choses, que ce que nous avons est déjà le meilleur système possible. Cette couleur a développé une appréciation pour notre nature propre et notre destin.

Le conflit du vert avec le bleu tourne autour de son rejet de la génétique, de cette croyance fallacieuse que nous pourrions modifier notre nature fondamentale. Le vert comprend que nous sommes nés avec les caractéristiques qui nous détermineront. Le bleu sabote cela en répandant la croyance qu’on peut devenir quelque chose d’autre que ce qu’on est réellement. Il exploite le désir humain de rêver et de nous imaginer pouvoir être fondamentalement différents de nos prédispositions de naissance.

Le conflit du vert avec le noir tourne autour du rejet de la destinée. Le vert sait que le chemin de la vie se résume à comprendre le rôle que nous jouons dans la grande toile de la vie, puis de l’accepter pleinement et de le vivre. Le noir veut discréditer cela en avançant la croyance qu’on peut échapper à son destin, que de détruire les connections entre tout ce qui est vivant pourrait avoir d’autres résultats que de simplement mener à la catastrophe. Cette couleur exploite la tentation d’explorer le côté sombre de la nature.

Le conflit du vert tourne autour de l’acceptation du monde qui nous entoure face aux forces qui veulent transformer ce monde en quelque chose qu’il n’est pas.

Conflits confluents

Un des éléments qu’on apprend en création littéraire, c’est qu’au cœur de chaque œuvre de fiction se trouve un conflit. Le protagoniste veut quelque chose et l’antagoniste, que ce soit une personne, une force ou une querelle intérieure, essaye d’empêcher le protagoniste de l’atteindre. Le pentagramme des couleurs a une fonction similaire dans le sens où les désirs et attentes de chaque couleur sont contrebalancés par ceux de ses ennemies. J’espère que la rubrique d’aujourd’hui vous a montré que sa vraie beauté ne réside pas seulement dans les philosophies des cinq couleurs prises séparément, mais également dans les relations qu’elles entretiennent entre elles.

Afin de pouvoir réduire les conflits à un seul article, je les ai un peu simplifiés. En les explorant, vous allez voir que chacun de ces conflits dévoile de multiples facettes. Deux histoires très différentes pourraient par exemple être créées à partir d’un conflit entre le rouge et le blanc, sans que ces histoires se ressemblent (par exemple, The Dark Knight : Le Chevalier noir ne ressemble vraiment pas à La folle journée de Ferris Buehler).

Je suis toujours curieux d’entendre vos réactions, mais comme je suis passionné par le pentagramme des couleurs (mon côté rouge pointe son nez), j’ai tout particulièrement hâte d’entendre votre avis sur ce dont j’ai parlé aujourd’hui. Vous pouvez m’envoyer un e-mail ou me contacter par n’importe lequel de mes comptes sur les réseaux sociaux (Twitter, Tumblr, Google+ et Instagram) pour me dire ce que vous en pensez.

Rejoignez-moi la semaine prochaine pour un autre article sur l’échelle du déluge.

D’ici-là, je souhaite que vos conflits soient aussi intéressants que vos philosophies.


« En route pour le travail n°382 — Confrontation Mirrodin »

Mon podcast « Confrontation Ravnica » était si populaire que j’ai décidé d’en faire un autre, mettant cette fois-ci les mécaniques du premier bloc Mirrodin face à celles du bloc Les cicatrices de Mirrodin. Qui va l’emporter ? Venez voir pour le savoir.

« En route pour le travail n°383 — 20 leçons : la customisation »

C’est le neuvième podcast de ma série « 20 leçons, 20 podcasts » basée sur mon discours à la GDC (vous pouvez lire les trois articles que j’ai écrit au sujet de ce discours ici, ici et ici). Dans ce podcast, j’explique pourquoi il est très important de laisser vos joueurs contribuer à ce qu’ils jouent.