Bienvenu à la semaine Abzan ! Cette semaine nous allons parler des couleurs opposées du pentagramme blanche-noire-verte. Pour cette semaine à thème dédié à un clan et les quatre suivantes (à venir dans les mois qui suivent), je me suis dit que je devrais jeter un nouveau coup d’œil sur les couleurs et sur la façon dont elles interagissent. Vous pouvez consulter ma page sur les couleurs du pentagramme, où se trouvent mes articles sur la philosophie des couleurs uniques, deux groupes d’articles sur des paires de deux couleurs et mon cycle d’articles à thème dédiés aux éclats. De plus, il y a quelques autres articles où je parle du pentagramme de couleurs.

Dans le passé j’ai examiné les couleurs de maints points de vue différents, dont même une série où je les interroge. Pour les semaines à thème qui parleront des couleurs opposées du pentagramme, je voulais explorer la relation des couleurs entre elles. Pour chaque semaine à venir qu’on va consacrer à un clan, je vais donc réunir les trois couleurs concernées dans une pièce et les emmener à discuter ensemble. Mon but avec cette série est de poser quelques questions et de me retirer ensuite pour laisser les couleurs parler entre elles.

J’espère que ça va être fun, alors commençons :

Bonjour. Pour commencer, chacune de vous devrait se présenter. Allons-y dans l’ordre dans lequel vous apparaissez dans le coût de mana sur les cartes abzanes.

Bonjour, je suis Blanc. Je suis au centre des couleurs opposées du pentagramme d’Abzan. Mon but est d’obtenir la paix à travers la structure.

Je suis Noir. Je suis associée à mes deux couleurs ennemies du pentagramme, alors c’est sûr qu’on va s’amuser. Ma motivation est d’obtenir le pouvoir à travers l’opportunité.

Je suis Vert. Mon seul et unique objectif est d’atteindre l’acceptation à travers la sagesse. Ne vous en faites pas, peu de gens comprennent ce que ceci veut dire. Je vais vous l’expliquer aujourd’hui.

Pourquoi ne pas commencer en parlant un peu de l’aspect que représentent ces couleurs opposées du pentagramme. Que pense chacun de vous de l’endurance ?

Vous pouvez parler endurance. Pour moi, c’est la survie. Quel est le souci principal de n’importe quel individu ? Ne pas se faire tuer.

Je pense qu’on doit se prononcer dans l’ordre.

Selon qui ? Il a dit de nous présenter dans l’ordre. En effet. Il n’a rien dit au sujet du reste de l’interview. En fait, si vous regardez bien son introduction, il a dit qu’il allait se « retirer ensuite pour laisser les couleurs parler entre-elles ». Et c’est exactement ce qu’on fait.

Toute cette discussion serait beaucoup plus ordonnée si on se tenait à une certaine structure.

Je m’en fous que ce soit ordonné. En fait, si parler quand ce n’est pas son tour te met mal à l’aise, pour moi en revanche ça ne pose pas de problème..

Il n’y a pas de raison qu’on ne puisse pas rester civilisés. Après tout, nous œuvrons bien dans le même sens en tant que couleurs opposées du pentagramme.

Je fais partie des couleurs opposées du pentagramme pour mes raisons, pas pour les vôtres. Je veux survivre. Je m’allie à vous deux parce que vous êtes les deux meilleures autres couleurs pour le faire. Rien de plus.

Sables verdoyants | Illustration par Sam Burley

Je le prends comme un compliment. Merci.

Ce n’est pas un compliment. Enfin… techniquement oui, mais ce n’était pas mon intention. Écoutez, ces couleurs opposées du pentagramme veulent à tout prix survivre au début et en milieu de la partie pour pouvoir dominer la fin de partie. C’est une stratégie qui me va.

Nous avons tous deux eu nos différences, mais au moins tu comprends l’importance de planifier pour le long terme. Le rouge me rend dingue.

Tu sembles également comprendre l’importance d’un sacrifice. Tu as ce penchant stupide pour le sacrifice personnel, mais tu comprends que, parfois, pour gagner le jeu sur le long terme, tu dois lâcher des choses à court terme.

Tout est connecté. La petite graine et le chêne majestueux sont juste les deux extrémités du spectre.

Il n’y a pas de jeu court et de jeu long. Il y a juste un jeu continu qui évolue constamment.

Ce n’est pas en parlant que tu te fais mieux comprendre.

Je pense que ce que Vert veut dire c’est qu’une partie d’un succès durable vient de la compréhension à tous les niveaux de votre objectif ultime. Les soldats se sacrifient parce qu’ils comprennent l’importance de ce geste pour leur armée.

Nous sommes étrangement d’accord ici, sauf sur le point où vous dites aux soldats qu’ils vont mourir. Les choses se passent beaucoup plus facilement quand ceux qui doivent être sacrifiés ne l’apprennent pas d’avance. Cela réduit grandement leur chance d’interférer avec le plan.

Prêtre de bataille abzan | Illustration par Chris Rahn

C’est parce que tu ne daignes jamais à partager le plan dans son ensemble avec ceux qui travaillent pour toi. Si tu les impliquais plus dans ce que tu fais, alors, peut-être travailleraient –ils mieux en équipe. Mais attends, c’est vrai, tu t’en moques d’eux. Pour toi, ce sont juste des pions.

Arrête de te la jouer sainte nitouche. Toi aussi, tu utilises des pions. La différence, c’est que tu dépenses beaucoup de temps et d’énergie à leur faire croire que le sacrifice était leur propre idée. Alors, j’avoue que ça, c’est impressionnant. J’ai du mal à faire marcher mes pions vers leur propre mort, alors chapeau.

J’aime le voir un peu différemment. Avec la croissance vient la force. Si tu peux permettre aux choses de grandir, elles deviendront plus fortes.

Ce qui ne te tue pas te rend plus fort ?

Ce qui survit est plus fort de l’expérience.

C’est du pareil au même.

Je pense que le point commun pour nous trois est que nous comprenons tous la nécessité de perdurer, chacun à notre manière. Il y a un coût à payer pour donner la priorité à l’avenir et nous trois sommes prêtes à payer ces coûts, certaines peut-être d’une façon plus répugnante que d’autres.

On y revient encore ? Vous parlez tout le temps du cycle de la vie et de la mort. Je ne vois pas pourquoi utiliser la mort ne ferait pas partie de « l’ordre naturel ». Un guépard attaque et tue une gazelle pour bouffer, et ça c’est « naturel ». Une personne tue une autre personne pour lui voler de la nourriture et ne pas mourir de faim, et ça c’est soudainement « pas naturel ». Vous n’êtes tout simplement pas cohérentes.

Si tu n'arrives pas à voir la différence entre chasser et assassiner de sang froid, il n’y a pas grande chose que je puisse dire pour te faire changer d’avis. La mort est un processus naturel. Là, où j’ai un problème, c’est quand tu l’utilises pour pervertir la nature.

Pourquoi est-ce qu’on ne parlerait pas un peu des ressources mécaniques à votre disposition qui vous aident à perdurer ?

Et bien, tous trois nous avons tendance à avoir l’endurance combinée la plus élevée. Noir et moi parce que nous avons plus de cartes avec un rapport endurance-force élevé et Vert parce qu’il a simplement de grandes créatures qui ont de base une endurance élevée.

Remparts éblouissants | Illustration par Jung Park

Nous sommes deux couleurs, Blanc et moi, à avoir la vigilance qui est une mécanique mot clé de créatures défensives. Noir et moi avons tous deux la régénération, qui peut aussi être défensive, bien que Noir l’utilise de façon plus offensive.

Vert, Blanc et moi sommes les trois couleurs qui sont les plus probables pour faire revenir des choses du cimetière, aussi bien en main que sur le champ de bataille.

Nous sommes aussi les trois couleurs les plus probables pour gagner des points de vie. Vert et moi pouvons même le faire sans blesser qui que ce soit.

Blanc et moi avons tous deux de bons sorts permettant de gérer les créatures. Vert a des effets de combat, si on veut les compter, mais à part ça, ce n’est vraiment pas sa force.

Ma réponse : je bloque avec une plus grande créature.

Celle que je viens de tuer avec mon anti-bête ?

L’autre similitude, c’est qu’on a chacun un style de jeu qui nous permet d’engluer la table, empêchant ainsi l’adversaire de nous tuer. La façon dont nous procédons diffère cependant. Ma stratégie est d’être proactif et de jouer des cartes qui empêchent l’adversaire d’avoir une stratégie victorieuse viable. Je mets en place des règles et crée des défenses qui me rendent très difficile à vaincre.

J’ai une approche plus directe : je tue autant de menaces que possible. Celles que je ne peux pas tuer sur le champ de bataille, j’essaie de les retirer avant même qu’elles soient lancées. La clé est de concentrer tous mes efforts dans l’oblitération de ces menaces et de ne porter le coup fatal que lorsque je me suis débarrassée de chacune d’elles.

Ma stratégie est de faire grandir mon mana plus vite que le font mes opposants, accélérant d’autant plus les menaces que je peux lancer. Grandir plus rapidement que mes adversaires me permet de lentement les submerger.

Dites-moi, est-il étrange d’être dans un groupe de couleurs du pentagramme où un de vous est l’ennemi des deux autres ?

Ce n’est pas comme si les éclats n’étaient pas un peu dans la même situation. Noir et moi étions ensemble chez Esper, et Noir et Vert étaient tous deux dans Jund. La seule différence était que chacun d’entre nous avait un éclat où nous n’avions pas à nous préoccuper de nos deux ennemis. Avec les couleurs opposées du pentagramme, cela n’est plus le cas.

Je suis arrivé à un point où j’ai réalisé qu’on est finalement défini par ceux qui nous entourent. Une partie de ce que nous sommes en tant que couleur vient du fait que nos ennemis existent. Je n’apprécie pas Noir mais au moins, dans un contexte global, je comprends pourquoi Noir existe.

Maintenant, je vais vous donner la vraie réponse. Oui, ça craint. Surtout pour moi. Je n’ai pas d’alliés dans ces couleurs du pentagramme. Aucune. Vous ne pouvez pas vous imaginer à quel point c’est douloureux d’entendre ces deux-là se parler. « Le groupe, n’est-il pas merveilleux ? N’est-ce pas tout simplement fantastique que nous faisions sans cesse de mauvais choix en donnant la priorité aux faibles plutôt qu’aux forts ? »

Donner la priorité au groupe signifie favoriser les forces plutôt que les faiblesses. Nous sommes plus forts que la somme de nos parties.

Tu dorlotes les faibles. Comment cela peut-il être un signe de force ?

Le groupe est plus fort que l’individu. Bien sûr que tu ne pourras jamais le comprendre car cela demande une vraie abnégation, chose dont tu n’es pas capable.

Être en groupe ne nécessite pas une égalité. J’ai un groupe. Ils travaillent tous pour moi. Et si quelqu’un doit faire un sacrifice, j’ai le pouvoir de choisir qui ce sera.

Salve des dunes | Illustration par Ryan Alexander Lee

Noir ne comprend pas l’importance de la symbiose. L’idée que travailler avec autrui est une force.

Allons-donc ! Tu ne crois pas dans la survie du plus fort ? La nature, c’est l’incarnation même de la survie du plus fort. J’adore t’entendre parler de la vie et juste ignorer toute la structure du règne animal. Si une créature peut en manger une autre, elle le fait. Il n’y a pas d’égalité. Il y a juste des repas sur pattes.

Et tout ce que tu peux voir est la dynamique prédateur/proie. Il y a tout autant d’exemples d’animaux qui vivent ensemble en harmonie. Il y a même ceux qui interagissent de façon positive l’un envers l’autre, en remplissant un rôle nécessaire.

Alors, dites-moi, qu’est-ce qui fait fonctionner cette relation chez Abzan ?

Quand nous mettons de côté nos querelles personnelles, nos forces se complètent en fait très bien. Je fournis la défense proactive, Noir s’occupe de la défense active et Vert fournit la croissance pour accélérer notre développement de mana.

Les autres couleurs opposées du pentagramme sont plus concentrées sur la création de menaces. Nous partons du principe que « la meilleure attaque est une bonne défense ». Si nous arrivons à nous protéger pendant que nos opposants épuisent leurs menaces, nous pouvons exploiter cette vulnérabilité

Citadelle de la steppe de sable | Illustration par Sam Burley

De plus, nous avons les ressources de la croissance de notre côté. Alors que nous adoptons une attitude défensive en début et au milieu du jeu, cela nous permet de faire des menaces énormes plus tard dans le jeu. D’habitude je dois utiliser mes ressources pour me défendre, mais comme Blanc et Noir ont les outils pour jouer la défense, je peux me concentrer à faire venir les menaces de fin de partie plus rapidement que notre adversaire.

Dans sa plus simple expression, notre but est d’amener nos ennemis à s’épuiser dans leurs tentatives pour nous tuer. Une fois qu’ils sont épuisés, c’est facile de les cueillir.

Je pense que la clé de notre stratégie est notre volonté de désaccentuer les menaces en échange de réponses.

Pour citer un fameux joueur Pro du passé du nom de Dave Price : « Il y a de mauvaises réponses, mais il n’y a pas de mauvaises menaces ».

Était-il un Mardu ?

Il y a plein de mauvaises menaces. Ça m’arrive tout le temps. J’ai un sort de tuerie dans ma main, mon adversaire joue une créature avec la protection talismanique ou un régénérateur ou encore quelque chose avec la protection contre le noir. C’est en fait une des stratégies de base à notre disposition. Nous ne faisons pas beaucoup de menaces car nous ne voulons pas favoriser les réponses de nos adversaires. Vous n’avez pas vécu une vraie joie tant que vous n’avez pas vu la panique dans les yeux de votre adversaire quand aucune de ses cartes n’a la possibilité d'avoir un effet sur le champ de bataille.

Noir est égal à lui-même, mais il y a une note de vérité dans ce qu’il a dit. La stratégie abzane est très simple : nous fermons les écoutilles en nous préparant à tout ce que nos adversaires pourront nous imposer. C’est uniquement quand ils ont épuisé leurs ressources - et pas avant – qu’on met le paquet et qu’on gagne la partie. La force de la nature est de pouvoir constamment perdurer.

Voici comment j’aime y penser : si vous ne perdez jamais, votre adversaire ne peut pas gagner. Tous les autres clans se focalisent sur la façon de gagner, alors que nous nous concentrons sur la façon de ne pas perdre. La clé est de consacrer toutes vos ressources sur cette défense.

Quand nous avons commencé, vous avez tous parlé de votre objectif ultime et de vos moyens pour l’atteindre. Pouvons-nous parler un peu de ça ?
D’accord. Mon objectif est le pouvoir par l’opportunité. Voici ce que ça veut dire : je crois en le mérite. Je pense qu’on doit donner à chaque individu l’opportunité de réussir. Ceux qui peuvent tirer profit de cette opportunité vont prospérer, alors que ceux qui ne réussissent pas vont souffrir. Il n’y a rien de plus équitable que d’échouer ou de réussir grâce à son mérite.

Tu tues des gens. Tes gens. Régulièrement. Comment est-ce que ça se traduit en opportunité ?

Tu ne vois pas les choses dans leur ensemble. N’importe qui voulant travailler pour moi peut le faire. Je ne rejette personne. Ceux qui sont utiles montent dans mon organisation. Ceux qui ne sont pas utiles seront utilisés de manières différentes. Tu motives tes gens à ta façon, moi, j'ai la mienne.

Tout est vu par la lorgnette de ce qu’ils peuvent faire pour toi.

Non, chaque individu a la responsabilité de s’occuper de lui-même. Comprendre qui a le pouvoir fait partie de cela. Si tu peux prendre ce pouvoir, tu devrais le faire. Si tu ne le peux pas, tu dois le respecter. Mon système est très simple.

Sauf pour les petites gens.

Les faibles ? Pourquoi exactement devrais-je récompenser la faiblesse ? Je crois comprendre que ta façon de faire est de récompenser l’existence, mais ma barre est un peu plus haute. Tu veux que la vie t’apporte quelque chose ? Alors fais un effort. Mérite-le. Faire la charité n’a jamais motivé personne à s’améliorer. « Bouge-toi ou crève » est certainement une meilleure motivation que « fais ce que tu veux et reçois quand même une récompense ».

Comprends-tu qu’il y a assez de ressources dans le monde pour que tout le monde puisse vivre confortablement ? Tout le monde peut être nourri et en bonne santé et en sécurité. Il faut par contre que les gens arrêtent de prendre plus que ce dont ils ont besoin. Ton approche encourage quelques élus à prospérer au prix du bien-être de tous les autres.

Et ton approche punit ceux qui ont pris l’initiative de faire quelque chose pour améliorer leur vie. Tu punis le mérite. Tu punis la réussite. Tu punis la motivation. Pourquoi qui que ce soit devrait essayer d’améliorer les choses s’il n’y a pas de récompenses au bout du chemin ?

Il y a des récompenses. Ce sont juste des récompenses pour la société dans sa totalité plutôt que pour un seul individu.

Alors je devrais travailler dur pour que d’autres en profitent ?

Oui !

Oui ?! Le fait que tu répondes« oui » à ça est sidérant. Malheureusement très prévisible, mais pas moins sidérant pour autant. Vert ? Je sais que tu crois en la survie du plus fort. C’est de ça que je parle. Aide-moi un peu ici.

Je crois en la survie du plus fort, mais tu en pervertis le sens. Une lionne tuera une gazelle pour la manger, mais elle ne tuera pas plus que ce dont elle et son groupe auront besoin. Elle ne tue pas chaque gazelle qu’elle voit, juste parce qu’elle le peut. En fait, si elle tuait toutes les gazelles, tu devines ce qui arriverait ? Bientôt les lions n’auraient plus de gazelles à manger. La survie du plus fort consiste à faire ce qui est nécessaire pour survivre, non pas de pervertir tout le système à des fins égoïstes.

Secret du rakshasa | Illustration par Magali Villeneuve

Mais le lion est le roi de la jungle parce qu’il le peut. Il a acquis ce droit.

Non, le lion est le roi de la jungle parce qu’il est né avec ce rôle. Aucune gazelle, même avec toute l’initiative et le mérite possibles, ne va usurper la place du lion. L’espoir de la gazelle sera toujours d’éviter d’être mangée par le lion. Elle ne rêvera jamais de manger le lion. C’est ici que ta voie échoue. Elle assume qu’avec la bonne opportunité, la gazelle pourrait remplir n’importe quel autre rôle que celui pour lequel elle est née.

Bleu a raison sur ce point. Nous ne sommes pas enfermés dans nos rôles. Nous avons la capacité d’influencer qui nous sommes.

Tout ce dont tu disposes, c’est la capacité de te leurrer toi-même—à te faire croire que tu ne fais pas déjà partie d’un écosystème établi.

Je voudrais que ce soit au tour de Blanc de décrire sa philosophie. Ensuite, ce sera au tour de Vert.

Mon objectif final est la paix et je l’atteins à travers la structure. Voilà ce que cela veut dire : je crois que nous pouvons vivre dans un monde où tout le monde peut avoir ce dont il a besoin. Personne ne devrait jamais avoir faim, souffrir ou avoir peur. Nous avons les moyens pour que tout le monde puisse vivre ensemble en paix. Voici le problème : Il y a des personnes comme Noir qui s’occupent d’eux-mêmes au prix des autres, ce qui empêche cette utopie dont je parle de se réaliser.

Utopie ? On appelle rarement le fascisme une utopie.

Tout le monde pourrait vivre en paix. Nous avons les ressources. Tout ce qui nous en empêche, c’est nous-même. C’est pour cela que la structure est importante. Les gens ont besoin d’un repère moral, des règles d’éthique qui disent clairement ce qui est bien et ce qui est mal. Les gens sont facilement détournés du droit chemin, alors une morale — un ensemble clair de codes éthiques – est essentielle. De plus, comme les personnes peuvent être faibles, il nous faut aussi une série de lois strictes. Des règles qui expliquent ce qui est et ce qui n’est pas acceptable. Noir a raison de dire que les gens ont besoin d’être motivés. Le pouvoir du groupe ainsi que des liens étroits et l’amour vont fournir les motivations positives. Le châtiment par la loi offrira les motivations négatives. Fais X ou Y et il y aura une conséquence négative.

Héraut d'Anafenza | Illustration par Aaron Miller

Et combien de liberté doit-on sacrifier ?

Liberté ? Maintenant on croirait entendre Rouge.

Ton utopie imaginaire semble merveilleuse… jusqu’à ce que tu en saisisses le coût inévitable. Dans ton monde, les gens n’ont pas le droit de prendre de décisions.

Mais si. En tant que groupe.

Bien. Alors, les individus ne peuvent pas prendre de décisions. Si ce que tu veux ne correspond pas à la volonté de la majorité, tu es fichu.

Mais peut-être que si ce que tu veux est mauvais pour le groupe, ce n’est pas une bonne chose à désirer.

Qui sait si c’est mauvais pour le groupe ? Peut-être est-ce juste une chose à laquelle le groupe n’a pas pensé. Peut-être est-ce juste une chose qui importe à l’individu d’une manière dont elle n’importera jamais au groupe. Nous, en tant que société, nous nous épanouissons parce que chaque individu a la capacité d’aller dans la direction qui le motive. Peut-être que l’idée de cet individu mènera plus tard à quelque chose qui profitera à tout le groupe. Mais dans ton monde on ne le saura jamais, parce que le groupe ne le permet pas car il ne le comprend pas.

Peut-être serais-je plus favorable à ta foi dans les droits de l’individu si je ne savais pas ce que cela encourage l’égoïsme.

L’égoïsme n’est pas une mauvaise chose. Il n’y a rien de mal à donner la priorité à nos volontés et désirs. Personne d’autre le fera. Je pense que les individus doivent penser à leurs propres intérêts pour la simple raison qu’ils sont ceux qui ont la plus grande motivation à le faire. Dans mon système, tout le monde a quelqu’un qui s’occupe de lui : chacun le fait pour soi-même.

Et se moque de tous les autres ?

Non, libre à toi de t’occuper des autres et de les aider. Juste pas au détriment de toi-même. Tu ne devrais pas être forcé de faire quelque chose qui te nuit, au profit des autres. Si c’est ton choix de le faire, d’accord. Je pense que c’est idiot mais j’ai la conviction que les gens ont le droit de faire des choses stupides. Ce que je veux dire est que tu ne devrais pas imposer ce choix à qui que ce soit.

Vert, c’est à ton tour.
Merci. Mon but ultime est l’acceptation et mon moyen pour l’atteindre est l’harmonie. Toutes les autres couleurs sont convaincues du fait que pour faire un monde meilleur, nous devons le changer. Ma conviction est que le monde que nous avons est déjà ce dont nous avons besoin. Plutôt que d’essayer de changer le monde, nous devons l’accepter pour ce qu’il est. Il est futile de vouloir le changer, alors pourquoi n’apprenons-nous pas à accepter ce que nous avons ?

Il est futile de changer le monde ? Tu continues à me rappeler que j’usurpe l’ordre naturel. S’il est si difficile de changer les choses, pourquoi ce que je fais aurait-il une quelconque importance ?

Me permettrais-tu de finir d’expliquer ma philosophie avant de m’interrompre ?

Je décerne une tendance ici. À chaque fois que je fais ce que je veux, cela ne correspond jamais vraiment à ta vision de comment les choses devraient être et du coup, je suis un perturbateur.

Tu es en fait, très littéralement, un perturbateur en ce moment-même.

Bien. Continue. Explique-nous ton excitante vision du monde.

Le monde a déjà une structure et un ordre donnés. Plutôt que d’essayer de le changer, je préconise de le comprendre. L’harmonie est l’acte de devenir un avec quelque chose afin de pouvoir le comprendre. Pas à un niveau intellectuel mais au niveau spirituel. Pour comprendre la terre, deviens un avec la terre.

À la recherche de l'horizon | Illustration par Min Yum

Pourrais-tu juste me faire signe quand j’aurais le droit d’intervenir pour me moquer de toi ? Prends ton temps. J’en prépare de bonnes pour quand tu seras prêt.

Naturellement, tu dénigres mon sentiment. Tu ne prends jamais le temps de comprendre les convictions de qui que ce soit à pars toi.

Je me tiendrai à carreaux. Voici ma question : Si des individus peuvent faire des choses pour affecter la nature, pourquoi cela ne ferait-il pas juste partie de la nature elle-même ? Je veux dire, on est tous des créations de la terre. Comment mes actions seraient-elles différentes de celles d’un ours ?

L’ours n’essaye pas d’usurper l’ordre naturel. L’ours a sa fonction et il l’embrasse.

Oui, mais si l’ours ne le faisait pas ? Si l’ours devenait fou et commençait à tuer tout ce qui est à portée ? Est-ce que cela ne serait pas toujours naturel ?

Où veux-tu en venir ?

Je veux dire que tu prends tellement de soins à différencier entre ce qui est naturel et ce qui ne l’est pas. Et si tout était naturel ? Que se passerait-il si le monde était ce que nous en faisons ? Si je coupe un arbre, alors le monde a un arbre en moins.

Et cet arbre en moins a des conséquences. Ton problème est là : tu ne te soucies pas des conséquences. Tu te comportes comme si tu pouvais faire ce que tu veux tout en ignorant les répercussions C’est à cause de gens comme toi que la pollution existe.

Et les crimes.

Tu sembles penser qu’une personne n’a pas la responsabilité des résultats qu’entraînent ses actions. Le monde est notre possession la plus précieuse et il est de notre responsabilité d’en prendre soin. Une partie de l’acceptation est de comprendre quel rôle nous jouons et ensuite de le jouer.

Nous avons beaucoup parlé des désaccords que tout le monde a avec Noir. Blanc et Vert, avez-vous des points conflictuels ?
Je pense que pour Vert et moi on ne peut pas tant parlé de désaccord que de visions du monde légèrement divergentes. Nous partageons tous deux notre aversion envers l’égoïsme et son impact sur le monde. Je pense que je me soucie un peu plus de l’impact sur la société alors que vert s’en soucie plutôt pour l’environnement. Nous nous concentrons tous deux sur les besoins du groupe plutôt que ceux de l’individu, mais les besoins diffèrent. Nous croyons tous les deux en des vérités ultimes, mais ces vérités ne sont pas tout à fait les mêmes. Je crois en un sens de moralité alors que Vert croit en une connexion naturelle plus large. Une toile de vie, en quelque sorte. Vert, est-ce que j’ai oublié quelque chose ?

Je pense que notre plus grande différence est probablement mieux représentée par le conflit de nos deux autres alliés. Mon autre allié est Rouge, alors que l’autre allié de Blanc est Bleu. Je pense qu’au niveau le plus fondamental, je vois le lien entre tout ce qui est vivant comme quelque chose de non verbalisé, quelque chose de nature instinctive. Nous sommes ce que nous sommes à cause de ce qui est en nous. Ce n’est pas quelque chose que nous pouvons verbaliser de façon consciente. Je pense que Blanc a plutôt tendance à croire que le dépassement vient d’un processus de pensée explicite. Que ce qui tisse des liens entre les gens est quelque chose qu’ils peuvent tous comprendre et sur lequel ils peuvent se mettre d’accord. Nos objectifs sont donc similaires, mais le chemin pour les atteindre diffère beaucoup.

Il ne nous reste presque plus de temps, je vais donc vous poser une dernière question. Vous travaillez tous ensemble en tant qu'Azban. Pourquoi chacun de vous ne ferait-il pas un dernier effort pour expliquer pourquoi les joueurs devraient jouer votre clan ? Choisissons donc le même ordre qu’au début.
Apprendre les menaces est précieux. Apprendre les réponses est inestimable.

L'ennemi est au plus faible quand il a essayé de vous tuer et qu’il a échoué.

C’est le simple brin d’herbe et non le chêne majestueux qui survit au mieux la tempête.

Merci à vous trois de nous avoir rejoints aujourd’hui. C’était réellement édifiant.

Rhinocéros de siège | Illustration par Volkan Baga

J’espère que vous avez tous apprécié cette table ronde. Comme toujours, je suis ravi d’entendre vos commentaires par email ou par n’importe lequel de mes médias sociaux (Twitter, Tumblr, Google+, Instagram).

Rejoignez-moi la semaine prochaine quand je vais explorer une idée de création sur laquelle je n’ai jamais rien écrit auparavant.

D’ici-là, je vous souhaite que l’article d’aujourd’hui génère d’autres discussions chez vous.


« En route pour le travail n°160—2003 »

Cette baladodiffusion fait partie de ma série« 20 ans en 20 baladodiffusions », ou je passe en revue chaque année de la vie de Magic. Dans cet épisode je parlerai de l'année 2003.

« En route pour le travail n°161—Espace de conception »

On me demande souvent comment je détermine la marge de manœuvre disponible pour le développement d'une mécanique ou un thème. Aujourd’hui, je vais utiliser ma baladodiffusion pour vous décrire pas à pas comment je m’y prends.