On dit que dans la vie, on obtient souvent ce pour quoi on paie.

Le coût de jouer un sort

La semaine dernière, j’ai expliqué que le mana est une des ressources de base de Magic. Lancer un sort nécessite un investissement en mana—vous accumulez la quantité nécessaire de mana et ensuite vous la dépensez pour un sort.

Au niveau le plus simple, vous vous attendez à ce que l’effet du sort corresponde directement à la quantité de mana que vous dépensez. Si je vais dans un magasin et dépense 10€ pour un t-shirt blanc, je m’attends à ce que je puisse acheter deux t-shirts blancs pour 20€ et cinq t-shirts blancs pour 50€. Avec cette idée en tête, regardez ces deux cartes :

 

Je peux dépenser un mana pour une créature 1/1 en mettant le Blaireau chargeur dans mon deck, ou je peux dépenser deux manas pour deux créatures 1/1 en mettant Sonner l'alerte dans mon deck. De prime abord, cela semble équitable et cela a du sens : une carte coûte la moitié de l’autre et elle a la moitié de l’effet. Tout va bien.

La réalité est cependant beaucoup plus complexe. En fait Sonner l'alerte est une assez bonne carte de Magic, alors que le Blaireau chargeur est une carte Magic plutôt faiblarde. Le rapport de mana dépensé comparé à l’effet sur le plateau est le même, et le Blaireau chargeur offre même le piétinement en bonus. Pourquoi n’est-ce pas aussi simple ?

Et bien, lancer le Blaireau chargeur coûte en fait beaucoup plus que la moitié de ce que coûte de lancer Sonner l'alerte . Il est vrai qu’en termes de mana—l’une des ressources de base de Magic—une carte coûte le double de l’autre. Cependant, en ce qui concerne l’autre ressource de base de Magic, les deux cartes ont exactement le même coût.

Lancer chacune d’elles vous coûte une carte de votre main.

Vous commencez la partie avec sept cartes dans votre main d’ouverture, et vous pouvez piocher une carte de plus à chaque tour. Ceci limite précisément ce avec quoi vous pouvez travailler dans une partie de Magic. Si je lance deux fois le Blaireau chargeur et que vous lancez un Sonner l'alerte , nous avons tous deux dépensé exactement deux manas, mais vous avez pris le dessus. Nos sorts s’annulent mutuellement et au bout du compte, vous aurez une carte de plus en main, ce qui peut vous aider à prendre le dessus de multiples manières.

De façon similaire, si tout était aussi simple que le rapport de coût de mana par rapport à l’influence sur le jeu, alors l’Ornithoptère serait une des meilleures cartes de l’histoire de Magic ! Dans ce monde simplifié, chaque deck voudrait contenir quatre copies de l’Ornithoptère. Cependant, dans le monde réel la plupart des joueurs choisissent (avec raison) de ne pas jouer avec l’Ornithoptère dans leur deck, car le coût d’une seule carte est trop élevé pour le misérable effet d’une créature 0/2.

Card Advantage, ou l'avantage des cartes

Les joueurs qui ne traitent pas les cartes comme ressource sont probablement peu sérieux, gaspillent leurs sorts et sont vite à court de choses à faire dans un jeu de Magic. Ils seront bientôt à la merci du dessus de leurs bibliothèques ce qui est une façon effrayante et hasardeuse de jouer. Par contre, un joueur qui traite les cartes comme une ressource précieuse, extraira chaque goutte de valeur de chaque sort, et fera tout son possible pour prendre l’avantage dans la partie.

L’Avantage des cartes est très probablement le concept individuel le plus important dans le jeu compétitif de Magic. Un pourcentage énorme du jeu est décidé, d’une façon ou d’une autre par l’avantage des cartes.

Le terme est presque aussi vieux que le jeu lui-même. Un des fondateurs de l’écrit et de la théorie de Magic était Eric Taylor qui l’a défini comme suit : « Le card advantage est un processus par lequel un joueur obtient effectivement plus de cartes que son adversaire. »

Si cette définition semble un peu nébuleuse, c’est parce que le card advantage peut prendre un très grand nombre d’aspects. Commençons avec un aspect simple.

Piocher des cartes supplémentaires

 

Ici, le card advantage se résume simplement à compter. Quand vous lancez la Divination, vous piochez deux cartes. Cependant, n’oubliez pas qu’il vous coûte une carte de jouer un sort de votre main. La Divination vous fait gagner une carte. L’Ingéniosité de Jace vous fait piocher trois cartes mais vous coûte une carte, pour un gain de deux. Les deux sorts vous fournissent un avantage des cartes fiable.

Comprenez que si un sort n’avait aucun autre effet que de vous faire piocher une carte (comme le fait Sonder les brumes), il ne vous fournit alors pas de card advantage. Il vous ferait piocher une carte et vous coûterait une carte, sans gain véritable en avantage des cartes.

La Signature de sang a le même effet que la Divination, sauf qu’elle coûte deux points de vie. Les points de vie, tout comme le mana, sont une ressource dans Magic, mais il est très difficile de faire une comparaison directe entre ces différentes ressources. En comptant le card advantage, vous pourriez aussi dire que la Signature de sang vous fait gagner une carte, et toutes les autres conséquences dues au lancement du sort devraient aussi être prises en comptes séparément.

Le card advantage se préoccupe de plus que d’avoir un nombre supérieur de cartes en main. Normalement, ajouter un permanent sur la table devrait aussi être compté comme un card advantage.

Vous rappelez-vous de l’exemple Sonder les brumes qui vous fait piocher une carte ? Il n’offre pas de vrai changement dans le card advantage, vous ne perdez rien, c’est tout. Cependant, avec la Shamane du printemps, vous pouvez piocher une carte tout en ajoutant une créature à la table. Comme pour la Divination, c’est un gain net d’une carte. Imaginez l'Ours runegriffe et Sonder les brumes attachées ensemble pour avoir les deux effets pour le coût d'une seule carte de votre main.

Retirer les cartes à votre adversaire

Par définition, le mot avantage décrit votre position par rapport à celle de votre adversaire. Vous pouvez gagner le card advtange à travers des interactions favorables avec les cartes de votre adversaire.

 

Vous lancez le Pourrissement cérébral et retirez deux cartes de la main de votre adversaire. Comme toujours vous avez une carte de moins dans votre main, celle que vous avez dépensée pour lancer le sort. Cependant, vous avez causé à votre adversaire une perte de deux cartes. Bien que vous ayez tous les deux des cartes en moins, le card advantage est relatif. Il manque une carte de plus à votre adversaire, et vous avez donc « gagné » une carte.

En ce qui concerne le card advantage, attaquer les permanents de votre adversaire équivaut à attaquer les cartes qu’il a en main. Quand vous lancez le Coup de dépit, vous détruisez deux permanents. Les terrains comptent, eux aussi, comme des cartes ! Après tout, votre adversaire devra piocher au moins deux cartes avant qu’il puisse espérer remplacer le terrain et la créature que vous avez détruits.

Vous mettez une carte telle que le Cône de flammes dans votre deck sans savoir exactement combien de créatures il peut tuer. Vous voyez clairement qu’il a le potentiel d’en tuer trois, mais vous ne pouvez pas savoir ce qu’il va faire avant de le piocher dans un jeu spécifique. Vous pouvez compter le card advantage quand il se manifeste dans le jeu de la même manière que je le fais sur le papier en ce moment. Si vous tuez trois créatures avec le Cône de flammes, vous pourriez dire : « Je lance le Cône de flammes en tant que trois-pour-un. » Imaginez maintenant que votre adversaire n’a qu’une ou deux créatures que vous pouvez tuer, et que vous allez devoir diriger les blessures supplémentaires du Cône de flammes sur votre adversaire. (Rappelez-vous, tout comme pour la Signature de sang, les blessures infligées à un joueur fonctionnent sur un axe complètement différent et ne doivent pas être comptées comme card advantage.) Dans ce cas, vous pouvez dire « je lance le Cône de flammes comme un un pour un » ou « …comme un deux pour un. »

Card advantage virtuel

Compter le card advantage de la manière décrite précédemment est simple, pratique et c’est un bon moyen pour prendre l’habitude de le faire. Malheureusement, cela ne couvre pas tout ce qui se passe dans le jeu.

Reprenons depuis le début, avec l’exemple de Sonner l'alerte. D’un point de vue strictement technique, Sonner l'alerte ajoute deux créatures au champ de bataille et doit donc être considéré comme un card advantage deux-pour-un. C’est sûr, dans le cas précis où je vous attaque avec deux cartes de Blaireau chargeur et que vous bloquez avec vos deux jetons-créature de Sonner l'alerte, il a alors fait l’échange contre deux de mes cartes, et il est juste de décrire le sort comme ayant fourni un card advantage.

Cependant, un défaut de la méthode simpliste de compter le card advantage est que Sonner l'alerte et Bessonneraie kalonienne sont traités comme étant la même carte !

 

Les deux cartes mettent deux créatures sur le champ de bataille et offrent donc un card advantage de deux-pour-un. Mais comment prendre en compte le fait qu’il me suffit à moi en tant qu’adversaire de jouer une créature 2/2 pour que ces jetons soldats ne puissent plus attaquer efficacement ? Comment prendre en compte le fait que mes sylvins peuvent être des 4/4, des 6/6 ou des 20/20 !?

En pratique, les parties de Magic arrivent à un point où quelques cartes sont capables d’en affecter l’issue et d’autres non. À de tels moments, on peut être induit en erreur en continuant à compter des sorts tels que Sonner l'alerte (ou quoi que ce soit d’autre qui n’a que peu de chances d’avoir une influence sur l’issue de la partie) comme card advantage. Au lieu de ça, il peut être plus utile de considérer un card advantage virtuel, qui (bien que plus difficile à quantifier) prend en compte le fait que toutes les cartes de Magic ne sont pas identiques, ou même, ne se valent pas.

Cartes mortes et neutraliser des cartes

Quiconque ayant déjà souffert d’une inondation de mana pourra vous dire que les parties en arrivent parfois au point où la pioche de terrains additionnels ne sert plus à rien. Une fois que vous avez assez de mana pour pouvoir faire tout ce que vous voulez faire, des terrains supplémentaires peuvent devenir des cartes mortes—elles n’ont plus aucune influence sur le jeu.

Une façon de gagner un card advantage virtuel est de neutraliser une ou plusieurs cartes de votre adversaire—en faire des cartes mortes. Cela peut avoir l’air d’un concept réservé aux experts, mais je me risque à prétendre que tous ceux qui lisent ces lignes l’ont déjà fait. S’il vous est déjà arrivé de jouer une grosse créature pour bloquer, alors vous avez neutralisé les attaquants de votre adversaire !

Une fois que vous mettez une Araignée lanceuse de rets sur le champ de bataille, les créatures 1/1 et 2/2 de votre adversaire ne peuvent plus attaquer de façon efficace. Cette Araignée lanceuse de rets peut servir pour neutraliser essentiellement n’importe quel nombre de petits attaquants en herbe, et ainsi vous offrir le potentiel d’un card advantage virtuel.

Si votre adversaire a des cartes telles que la Saisie des pensées ou le Pourrissement cérébral dans son deck, vous pouvez utiliser une stratégie dans laquelle vous jouez toutes vos cartes tout de suite et où vous n’avez jamais rien qui reste dans votre main. Si vous agissez ainsi, vous avez neutralisé tous les futurs sorts de défausse que votre adversaire pourrait piocher du dessus de sa bibliothèque.

Vous pouvez également neutraliser des cartes lors de la construction de deck. Si vous craignez de rencontrer la carte Naturalisation, vous pouvez simplement construire votre deck sans aucun artefact ni enchantement. En un instant, vous aurez transformé cette Naturalisation en carte morte.

Trouver une utilisation pour les cartes mortes

D’un autre côté, vous pouvez aussi gagner un card advantage virtuel en trouvant une utilisation créative pour des cartes qui seraient autrement mortes.

Imaginez une partie qui s’éternise. Peut-être quinze tours, peut-être vingt. Aucun des joueurs ne profite vraiment des terrains au-delà du sixième ou septième. Cependant, pendant que Johnny est dans son coin avec une frustration montante pour chaque terrain inutile qu’il va forcément piocher, Jenny utilise son Gobelin fouineur pour se défausser de tous ses terrains excédentaires et de ses cartes à faible influence. Cela va lui donner plus de ressources et lui permettre de fouiller pour trouver les cartes qui seront vraiment importantes.

Techniquement, le Gobelin fouineur n’a jamais donné un card advantage à Jenny, il a simplement transformé ses vieilles cartes en nouvelles. Et pourtant, il lui a fourni un card advantage virtuel en transformant ses cartes autrement inutiles en quelque chose d’utile.

Cartes à moindre influence et cartes à grande influence

Il suffit souvent d’un rapide coup d’œil sur une partie de Magic pour remarquer que certaines cartes ont simplement été déclassées. Le Blaireau chargeur est un exemple d’une carte qui sera très probablement déclassée et qui n’a que très peu de chances de modifier le résultat d’une partie. Le Blaireau chargeur est une carte à petite influence. C’est pour cette raison qu’il est souvent laissé de côté, malgré son très bon coût de mana.

D’un point de vue technique, Sonner l'alerte procure un avantage de deux-pour-un. Cependant, si un joueur lance Sonner l'alerte et que l’autre joue Ob Nixilis, libéré de ses chaînes, qui d’après vous prendra le dessus ? Ob Nixilis est un exemple d’une carte à grande influence. C’est le type de carte qui a de bonnes chances de renverser le cours d’une partie si personne n’y répond. De plus, cette carte peut aussi neutraliser des créatures plus petites (et d’ailleurs également toute carte qui amènerait votre adversaire à fouiller dans sa bibliothèque).

 

Mettre l’accent sur des cartes à grande influence est une façon supplémentaire pour gagner un card advantage virtuel.

Ce n’est pas toujours le joueur qui techniquement gagne plus d’avantage des cartes qui gagne la partie. Un joueur peut lancer de multiples cartes de Divination et de l’Ingéniosité de Jace jusqu’à ce que les poules aient des dents, mais s’il ne pioche que des Ornithopteres et des Blaireau chargeur, alors il suffira peut-être d’une seule carte à grande influence, telle qu’Ob Nixilis de l’autre côté de la table, pour que tout ait l’air ridicule.

Il est important de comprendre la théorie derrière le card advantage, et d’être capable de compter le card advantage durant de simples échanges. Cependant, il y a aussi des moments où la façon purement technique de regarder les choses ne suffit plus et vous devriez apprendre à reconnaître l’instant où le card advantage virtuel se révèle être tout aussi important.

Le jeu compétitif de Magic se joue souvent sur des marges très fines et des petites sources de card advantage comme un échange de deux-pour-un, ou la neutralisation d’une carte de l’adversaire peut facilement faire la différence entre une défaite et une victoire. Le card advantage est au cœur d’une grande partie de la stratégie et de la théorie du jeu. Je vais souvent revenir sur ces concepts lors de la progression de cette rubrique. Pour le moment, j’espère vous avoir offert une introduction utile- ou un cours de rafraîchissement—sur ce très important concept.