Presque toutes les parties de Magic commencent de la même façon : un joueur joue un terrain. Tout commence par le mana. C'est une des ressources les plus basiques et les plus importantes de Magic. Sans lui, on ne peut pas jouer à Magic.

La semaine dernière, je m'étais concentré sur la manière de jouer à Magic, mais aujourd'hui je vais aborder l'un des autres aspects importants du jeu : la construction de deck. La mana est primordial à la fois pour le jeu et pour la construction de deck, alors le comprendre est une première étape pour maîtriser Magic. Dans la construction de deck, deux des concepts les plus importants sont la base de mana et la courbe de mana.

Tout comme vous ne pourrez pas lancer de sort si vous n'avez pas le mana adéquat, le mana est également un facteur limitatif dans la construction de deck. Vous pouvez jouer des créatures et des sorts uniquement si votre base de mana peut les prendre en charge.

La base de mana

Le terme base de mana fait référence aux terrains d'un deck et aux manières supplémentaires de produire du mana, par exemple des ressources telles que le Mystique elfe ou le Havre verdoyant. Une base de mana peut être simple (par exemple, dix-sept plaines dans un deck monochrome blanc de 40 cartes) ou assez complexe : avec plusieurs couleurs de mana, des terrains avec des capacités inhabituelles et des méthodes indirectes de produire du mana (via des artefacts, des créatures ou des sorts).

Il n'y a pas de règle miracle pour déterminer à quoi une base de mana doit ressembler. Tous les conseils que je peux vous offrir devraient être ajustés ou même abandonnés dans certaines circonstances. Cependant, je peux quand même vous fournir un bon point de départ.

Combien de terrains jouer

Traditionnellement, les terrains devraient représenter un peu plus de 40 % d'un deck. Ce qui veut dire 17-18 terrains pour un deck de 40 cartes et environ 24-25 pour un deck de 60 cartes. C'est une formule testée et éprouvée qui fonctionne pour bon nombre de joueurs depuis de nombreuses années. Si vous vous y tenez, rares seront les fois où ce sera une grosse erreur. Ceci-dit, il existe un certain nombre de facteurs qui pourraient vous faire songer à certains petits ajustements.

Vérifiez si vous avez des moyens non-terrain de produire du mana. La présence de créatures telles que le Mystique elfe et le Satyre voyageur pourrait avoir un impact sur le nombre de terrains nécessaires au fonctionnement de votre deck.

 

 

La corrélation n'est pas un pour un—autrement dit ne pensez pas qu'un Mystique elfe ou qu'un Satyre voyageur équivaut à un terrain—et ce pour plusieurs raisons. D'abord, vous ne pouvez pas les lancer si vous n'avez pas déjà des terrains. Ensuite, ils sont moins fiables parce qu'ils sont plus faciles à tuer pour votre adversaire. Et troisièmement, vous jouerez ce genre de carte pour gagner du temps avec votre mana, mais vous voudrez quand même jouer un terrain à chaque tour, du moins pendant les premiers tours. Par conséquent, ces cartes ne devraient pas directement compter comme des terrains, mais trois exemplaires du Mystique elfe vous donnent une bonne raison de jouer par exemple seize terrains au lieu de dix-sept ou dix-huit dans votre deck de 40 cartes en Limité.

Une autre question tout aussi importante porte tout simplement sur le coût des cartes de votre deck. Si tous vos sorts coûtent entre un et quatre manas, vous n'aurez pas besoin d'autant de terrains qu'un joueur utilisant plusieurs cartes qui coûtent sept ou huit manas.

Mana coloré

Une question qui peut s’avérer plus compliquée encore : comment équilibrer vos prérequis de mana coloré. Ce n'est pas important si vous ne jouez qu'une couleur, mais une fois que vous vous aventurez dans le royaume du tricolore (ou plus), la situation devient rapidement plus complexe.

Souvent, dans Magic, vous serez confronté à des choix entre force et régularité. Plus vous jouez de couleurs, plus vous avez accès à une gamme importante de cartes. Alors il est probable que votre deck soit capable de pioches plus puissantes quand tout se passe comme vous le voulez. Cependant, quand vous jouez plus de couleurs, il est également plus probable que vous vous retrouviez coincé parce que vous n'avez pas la bonne couleur de mana pour jouer un de vos sorts, ce qui réduira la régularité (ou la fiabilité) de fonctionnement de votre deck.

Trouver le bon équilibre entre la force et la régularité peut s'avérer difficile. Quand on établit une base de mana, une question cruciale est : À quels outils avez-vous accès ?

Dans le cas le plus simple, vous n'aurez que des terrains de base (Plaine, Île, Marais, Montagne et Forêt) à votre disposition.

 

Lorsque vous utilisez des terrains de base, un deck bicolore sera quasiment toujours celui où vous trouverez le bon équilibre entre force et régularité. Si vous ne voulez jouer qu'une couleur, vous en avez parfaitement le droit, mais s'il y a une carte intéressante que vous aimeriez jouer dans une autre couleur, vous pouvez le faire en toute sécurité. Vous pourrez lancer des sorts des deux couleurs dans la plupart des parties (pas toutes, mais dans ce que les joueurs considèreraient une portion de parties « tout à fait acceptable »). C'est quand vous allez en jouer plus de deux que vous commencerez à remarquer quelques problèmes.

 

Cependant, c'est une description du cas le plus simple. Un constructeur de deck, c'est un peu un charpentier—plus ses outils sont sophistiqués, plus il peut entreprendre des projets complexes. Les terrains non-base, ainsi que les moyens non-terrain de produire du mana, peuvent être très puissants et vous aider à jouer des decks multicolores.

 

Si vous avez accès à une bonne réserve de cartes de ce genre, qui ont la capacité de produire plusieurs couleurs de mana, vous pourrez vous sentir plus à l'aise pour jouer un deck tricolore si vous en avez envie. Jouer plus de trois couleurs est une technique plutôt avancée et je vous recommande de l'éviter jusqu'à ce que vous vous sentiez vraiment à l'aise en utilisant des decks bicolores et tricolores.

 

Même quand vous jouez plusieurs couleurs, vous pouvez avoir plus intérêt à concentrer principalement votre deck sur une ou deux couleurs, et dépendre un peu moins des autres. Par exemple, supposons que vous ayez un deck en Paquet scellé qui est principalement rouge et vert, mais que vous voulez y mettre un exemplaire de Garruk, prédateur du zénith. Avoir quatre ou cinq sources de mana noir devrait vous suffire. Vous trouverez souvent un moyen de produire un mana noir quand vous serez prêt à lancer votre Garruk, et même si ce n'est pas le cas, avoir une carte coincée dans votre main pendant un petit moment n'est pas une grosse catastrophe. C'est ce qu'on appelle communément un accent de couleur.

Jouer un deck qui dépende autant de trois couleurs de mana, c'est possible, mais difficile. Après tout, plus les choses peuvent mal se passer, moins vous aurez de chances qu'elles se passent parfaitement bien. Voici quelques consignes qui peuvent servir de point de départ :

  • Pour un deck de 40 cartes, si vous voulez vraiment avoir un terrain dans votre main de départ qui produit une couleur de mana spécifique, vous devriez jouer au moins dix terrains qui produisent cette couleur (onze ou douze pour plus de sécurité).
  • Pour un deck de 60 cartes, vous devriez jouer au moins quinze ou seize cartes qui produisent cette couleur (dix-sept ou dix-huit pour plus de sécurité).

 

La courbe de mana

 

Tout commence par le mana. La question du mana n'est pas entièrement résolue une fois que vous avez décidé le nombre et les types de terrain que vous allez jouer. Elle influence aussi les sorts que vous jouez et la structure générale de votre deck.

La courbe de mana fait référence à l'équilibre auquel les constructeurs de deck doivent aspirer entre les cartes de coûts de mana différents—les moins chères et les plus chères. On peut aussi parler d'un deck qui a une « courbe de mana élevée » ou une « courbe de mana faible ». Jouer uniquement avec des cartes qui coûtent cinq manas serait une erreur, parce que vous n'auriez rien à jouer pendant les quatre premiers tours de la partie !

D'un autre côté, si votre deck était entièrement constitué de petits sorts faiblards à un mana, vous ne pourriez pas avoir un jeu optimal au-delà du premier tour. Avoir au moins deux cartes de chaque coût de mana est un bon moyen d'éviter ce problème.

 

Comme beaucoup de choses, la courbe de mana n'est pas une science exacte. Les joueurs cherchent souvent des formules globales qui leur diront combien de cartes jouer à un mana, deux manas, trois manas, etc... Mais le fait est que la réponse dépend beaucoup du contexte. À quelles cartes avez-vous accès ? Quelle est votre stratégie pour gagner la partie ? Que vont probablement faire vos adversaires à chaque moment de la partie ?

 

Le concept de la courbe de mana est important pour tous les decks, mais il est plus clairement illustré dans le cas d'un deck de créatures rapides. Si votre objectif est de jouer des créatures et d'infliger rapidement des tonnes de blessures, vous voulez vraiment passer à l'assaut dès le tour un ou deux. Certains decks de créatures de 60 cartes jouent parfois douze, quatorze créatures ou même plus à un mana !

Une fois de plus, c'est une question de stratégie. Si votre but n'est pas de gagner rapidement en submergeant l'adversaire avec des créatures, jouer des dizaines de petites bestioles à un ou deux manas diluera votre deck et réduira le nombre de sorts plus puissants que vous pourriez y mettre. Vous devriez avoir quelque chose à faire en début de partie, mais il n'y a pas de nombre miracle. Posez-vous la question : vos adversaires risquent-ils d’être rapides ? Aurez-vous besoin de vous défendre dès le tour un, ou pourrez vous survivre si parfois vous ne jouez rien avant le tour trois ?

« Restriction de mana » et « inondation de mana »

C'est un peu triste, mais chaque nouveau joueur subit ces concepts tôt dans sa carrière de Magic. La « restriction de mana » (« mana hosed » en anglais) est un terme de joueur utilisé quand on ne pioche pas autant de terrains qu'on le désire, et « inondation de mana » (« mana flood ») signifie que vous en avez pioché trop. Cela peut arriver à n'importe qui, avec n'importe quel deck, et à n'importe quel niveau de compétition—c'est un des aléas du jeu.

Mais ne vous en faites pas ! Bien qu'il puisse être extrêmement frustrant de se retrouver en restriction de mana pendant une partie, cette variance du nombre de terrains piochés est un enrichissement pour Magic et lui permet d'en faire le jeu qu'on connaît.

Il y a des méthodes qui permettent de gérer la restriction de mana et l'inondation de mana, à la fois lors de la construction de deck et pendant la partie. Tout commence par une bonne construction de votre base et votre courbe de mana, mais il y a d'autres astuces à utiliser.

Pour limiter les risques d'inondation de mana, vous pouvez chercher des puits de mana. Les puits de mana sont des cartes qui, bien qu'elles ne soient pas chères en elles-mêmes, peuvent utiliser votre mana supplémentaire dans des scénarios de fin de partie.

 

Remarquez qu'il est complètement normal de piocher huit, neuf terrains ou plus pendant une partie longue. Quand vous avez un puits de mana en jeu, vous préférerez sans doute piocher plus de sorts, mais quand vous vous retrouvez à piocher plus de terrains que nécessaire, au moins vous pourrez les utiliser.

 

Si votre objectif est de limiter les effets d'une restriction de mana, vous pouvez chercher des cartes peu chères qui ont la capacité de répondre ou de s'échanger contre des cartes plus chères.

 

 

 

Le meilleur conseil que je puisse vous donner, c'est de reconnaître que piocher le mauvais nombre de terrains fait partie du jeu. Faites de votre mieux pour ne pas vous sentir trop frustré. Chez les nouveaux joueurs, le piège est de surcompenser en ajoutant ou en retirant des terrains d'un deck après avoir eu son mana restreint ou avoir subi une inondation de mana. Si, après une ou deux dizaines de parties, vous remarquez que le problème est récurrent, il est bon de découvrir ce qui ne va pas et de s'adapter. Mais il est important de ne pas laisser la frustration à court terme prendre la place d'une décision rationnelle.

Exemple : Grand Prix Portland

Pour vous donner un exemple, voici un deck de 40 cartes que j'ai joué lors d'un tournoi récent.

Finale Grand Prix Portland

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Pour commencer, j'ai déjà dévié d'une des formules recommandées. Il est vrai que presque tous les decks de 40 cartes devraient se jouer avec dix-sept ou dix-huit terrains, mais dans ce cas, des circonstances extrêmes m'ont motivé à utiliser dix-neufs terrains.

Notamment, ce deck a une courbe de mana relativement élevée. J'ai un sort qui coûte huit manas, et aucune créature au-dessous de trois ! Vous pourriez considérer que c'est une erreur de ma part, car il est généralement très important d'avoir une poignée de cartes qui coûtent moins de trois manas. Cependant, je devais construire ma base de mana pour les cartes que j'avais, pas pour celles que je souhaitais avoir.

Ensuite, mon deck contient beaucoup de puits de mana : deux exemplaires du Guetteur des eaux de Jorubaï et de l'Ombre de Zof, ainsi que la Sentinelle gargouille, tous ayant des capacités activées qui peuvent utiliser le mana supplémentaire. L'Ouverture des tombes, le Fossoyeur, la Divination et la Signature de sang m'assuraient d'avoir toujours en main des cartes que je pouvais lancer.

Je pensais avoir suffisamment de quoi faire avec mon mana, donc le risque d'inondation de mana était relativement faible. D'un autre côté, à cause de ma pénurie des premiers tours, il était tout à fait possible d'avoir une restriction de mana et ses effets seraient dévastateurs. Par conséquent, j'ai préféré avoir trop de terrains que pas assez.

Maintenant, parlons du mana coloré. J'ai construit ce deck pour être tricolore tout en étant parfaitement à l'aise, car j'avais trois exemplaires des Étendues sauvages en évolution. De plus, le deck se concentre sur le noir et le bleu, avec seulement une Frappe foudroyante en accent rouge. Les Étendues sauvages en évolution chercheraient normalement des marais et des îles, mais il me suffisait d'une montagne dans mon deck, en ayant de bonnes chances de la trouver quand j'en aurais besoin.

Enfin, j'avais dû choisir combien d'îles et de marais jouer. Pour bien fonctionner, il me fallait pouvoir piocher les deux types de terrain, et dans un monde idéal, j'en avais besoin de deux de chaque. Pour optimiser mes chances d'en piocher deux de chaque, je voulais en avoir des quantités égales. Cependant, comme j'avais un nombre impair à leur consacrer (quinze), il me fallait un marais ou une île supplémentaire.

Pour me décider, le facteur le plus important a été l'un de mes sorts les moins chers, la Signature de sang, qui coûtait deux manas noirs. Je voulais optimiser mes chances d'avoir deux manas noirs dans ma main de départ, alors j'ai opté pour un marais supplémentaire.

J'espère que cet exemple vous aura donné une idée de base du raisonnement à suivre quand vous construisez une base de mana.

Avec une bonne base de mana et une courbe de mana équilibrée dans votre deck, vous avez réussi à éviter l'erreur numéro un des constructeurs de deck novices. N'oubliez pas, tout commence par le mana ! Si vous parvenez à vous faire bien servir par votre mana, au lieu de vous sentir déprimé quand vous aurez de mauvaises pioches de mana, vous serez en bonne voie pour réussir.