Deux mots. Deux petits mots puissants.

Si vous pouvez amener votre adversaire à les prononcer, alors vous sortez vainqueur. Si c’est vous qui les prononcez, alors vous vous avouez vaincu.

Je concède.

Ces mots annoncent le ramassage et rassemblement de toutes les cartes. Nous les avons tous entendus et nous les avons probablement tous prononcés.

Certains se battent fièrement sous la bannière « Ne jamais abandonner, ne jamais se rendre ! » D’autres ramassent systématiquement leurs cartes un tour avant de subir le coup mortel.

Mais il s’agit de plus que de simples mots. C’est bien plus que ce que vous dites quand des volants arrivent et vous attaquent pour des blessures mortelles. Presque tout dans Magic a des implications stratégiques et concéder ne fait pas exception.

Quand est-il justifié de renoncer ? Quand devriez-vous continuer à vous battre ? Quelles sont les implications dans un sens comme dans l’autre ?

C’est ce que nous allons voir aujourd´hui.

Contre vents et marées

J’ai remporté d’innombrables victoires, en persistant dans les positions qui paraissaient intenables pour enfin remonter la pente et gagner la partie. J’ai aussi joué d’innombrables parties que j’ai gagnées parce que mon adversaire a concédé la victoire avant l’heure. Qui sait ce qui serait arrivé s’il avait persisté.

En règle générale, vous ne devriez pas concéder la victoire.

Vous ferez face à plein de tentations de renoncer dans une partie de Magic. Les choses peuvent être frustrantes : vous pouvez manquer de terrains, être face à une série de pioches parfaites ou simplement vous retrouver face au Mage réflecteur pour la septième fois en une journée. Et Magic est bien sûr supposé être amusant ; c’est donc un peu contre nature de continuer à jouer quand vous vous sentez frustré ou lamentable.

Mais si vous jouez dans le contexte d’un tournoi, vous devez continuer.

Une équipe de foot ne quitte pas le terrain simplement parce qu’elle a un retard de trois buts.

James Bond ne renonce pas simplement parce qu’il est dans la mire d’un laser.

Je ne renonce pas à la randonnée simplement parce qu’une fois il m’est arrivé de tomber dans un volcan.

Et vous non plus, vous ne devriez pas renoncer.

Admettons que vous jouiez la partie 3 de Magic dans la finale d’un tournoi. Je vous dis que vous avez une chance d’un pour cent de remporter la partie. Devriez-vous concéder ?

Bien sûr que non !

Même si votre chance de gagner est très faible, le fait de pouvoir gagner une fois sur cent vaut bien le coup de se battre. Après tout, même si vous avez 99 % de chance de perdre maintenant, vous perdez à 100 % si vous concédez !

On ne peut jamais savoir avec une partie de Magic. Vous pourriez piocher la séquence idéale de cartes. Votre adversaire pourrait tout simplement louper son jeu. Tant qu’il reste une chance, vous devriez vous battre. Votre adversaire devrait être obligé de suivre la procédure pour arriver à vous tuer.

Dans le premier PTQ que j’ai remporté, j’ai battu un joueur qui a utilisé « À mon seul désir » pour sept, puis pour onze durant le même tour, un joueur qui avait tué ma table dans une partie et a raté son coup, et quelqu’un qui lors de la finale a joué le « contre inflexible » pour mon archétype de deck. Si à n’importe quel moment j’avais concédé n’importe laquelle de ces parties, j’aurais été éliminé de la compétition.

En règle générale, il est à votre charge de démontrer pourquoi il est stratégiquement juste de concéder — et non pourquoi il est stratégiquement utile de continuer à jouer.

Le temps de la victoire

« Celui qui sait quand il peut se battre et quand il ne le peut pas sera victorieux ». —Sun Tzu, L’Art de la guerre

Après tout cela, une évidence se profile : vous ne devriez jamais concéder, pas vrai ?

Faux !

Il existe des occasions où il est juste de concéder la victoire. J’ai vu de nombreuses personnes déclarer fièrement qu’elles ne concèdent jamais. Et bien que cela puisse être une source de fierté pour elles, et bien que ce soit peut-être la bonne attitude pour commencer — comme décrit ci-dessus — l’histoire ne s’arrête pas là.

Rappelez-vous : la décision par défaut est de ne jamais concéder la victoire dans un tournoi. Cependant, s’il existe une raison stratégique de le faire, alors vous devez évaluer celle-ci face à vos chances de gagner.

Il y a trois raisons majeures d’agir ainsi dont je vais parler aujourd’hui. La première est le temps.

Time Walk
Time Walk | Illustration par Chris Rahn

Une ronde de Magic a un temps limité qui lui est imparti. À la fin de la limite de temps, si vous jouez toujours vous avez droit à quelques tours de plus. À la fin de ces tours, le joueur qui a gagné le plus de parties dans le match sera victorieux — et si c’est à égalité 1-1, alors la partie est un match nul.

Dans un tournoi de Magic, il est extrêmement important de rester conscient non seulement de votre capacité de gagner la partie, mais aussi de votre capacité d’emporter le round.

Voyez-le ainsi :

Vous vous êtes battu dans une partie 1 longue dans un match miroir Midrange. Vous pouvez voir qu’il reste à présent 17 minutes dans le round. Vous avez clairement beaucoup de retard, et bien qu’il semble que vous puissiez rester vivant encore un peu, il est très improbable que vous alliez gagner. Vous placez vos chances au maximum à cinq pour cent.

Si vous continuez à jouer, vous allez très probablement perdre. Cela vous laisse environ 10-12 minutes pour gagner deux parties de plus pour remporter le match. Peut-être serez-vous capable de remporter une seule partie en 12 minutes. Mais deux ? C’est improbable.

C’est un cas où il pourrait être justifié de concéder pour cause de temps. Ce n’est pas quelque chose qui arrive lors des tests de jeu à la maison, mais qui est extrêmement important au niveau d’un tournoi.

Cela n’est pas toujours le cas. Par exemple, dans une situation identique, mais avec trois minutes restantes, vous n’allez très certainement pas avoir le temps pour une deuxième partie, alors autant miser sur la chance de cinq pour cent de gagner celle-ci. Il vous appartient d’évaluer le temps restant pour déterminer si concéder en vaut la peine.

Un jeu d’informations

« Un investissement dans le savoir rapporte les meilleurs intérêts ». — Benjamin Franklin

Vous prenez place pour jouer un match de Modern. Votre adversaire joue en premier. Il garde sa main.

Pour vous, ce n’est pas la même chose. Vous déclarez un mulligan. Vous déclarez un mulligan. Vous déclarez un mulligan. Et encore un autre mulligan. Vous gardez la main et avec le regard envoyez une carte au-dessous de votre bibliothèque.

Certainement pas le meilleur départ.

Votre main d’ouverture est Tambour de sautefeuille, Memnite et Mox d'opale.

 

Votre adversaire joue en premier. Il utilise ses Catacombes verdoyantes, trouve un Tombeau luxuriant et lance une Saisie des pensées.

Que faites-vous ?

Réfléchissez un moment.

Bien sûr, en tant qu’actions de jeu spécifiques, vous ne pouvez pas faire grand-chose. Ce n’est pas comme si vous aviez un sort d’anti-créature gratuit. Mais il y a une action à laquelle vous pouvez réfléchir : concéder.

Vos chances de gagner cette partie sont très, très minces. C’est certainement possible si votre adversaire a une main extrêmement faible ou si vous piochez parfaitement, mais le pronostic n’est pas en votre faveur.

De l’autre côté, certaines des plus grandes faiblesses d'Affinité sont les cartes puissantes que l’on peut faire venir de la réserve pour le contrer. Silence de pierre. Ancienne rancœur. Rappel selon Hurkyl. De nombreux decks en ont dans leurs réserves.

Si vous continuez à jouer pour une seule action de plus, votre adversaire va savoir quel type de deck vous avez et n’hésitera pas à faire venir n’importe laquelle de ces cartes de sa réserve. Cela rendra votre partie 2 beaucoup plus difficile à gagner — et par la suite, tout le match.

À l’inverse, si vous concédez, vous allez bien sûr perdre cette partie. Mais cette perte était de toute façon très probable, et elle pourrait radicalement augmenter vos chances pour la partie 2… surtout si vous pouvez utiliser votre réserve en en sachant plus sur le deck de votre adversaire !

Ceci n’est naturellement pas toujours le cas. Imaginez que votre main soit maintenant quelque chose comme île, Nexus des encrimites, Nexus des encrimites. Dans ce cas, vous voulez peut-être au contraire révéler votre main pour essayer un bluff avec l’infection ! De même, si vous jouez un deck qui est assez imperméable à la haine, il est possible que vous tirerez un plus gros avantage d’en apprendre plus sur le deck de votre adversaire qu’il pourra lui en tirer de connaître le vôtre.

Cela ne vaut pas non plus uniquement pour le premier tour de la partie. Ça peut se jouer au niveau de cartes individuelles.

Cela arrive relativement souvent en Limité. Partons du principe que vous avez une puissante bombe rare qui peut complètement écraser votre adversaire s’il ignore que vous l’avez, comme par exemple la Carcasse mécanique cataclysmique.

Vous l’avez piochée tard dans la partie — mais même si vous la jouez, vous allez probablement perdre. Il vaut peut-être mieux cacher cette information en ne la lançant pas, et la garder pour une partie ultérieure du match où vous pourrez l’utiliser pour écraser votre adversaire.

Rappelez-vous : l’important, c’est de gagner le match, pas de remporter une partie spécifique. Si vous concédez de cette façon, alors il est important de bien évaluer vos chances et de penser que cette concession vous donne de meilleures chances de remporter le match. J’ai vu des joueurs faire les malins avec des nettoyeurs de table et concéder en s’y accrochant dans des situations où ils auraient encore facilement pu gagner.

Alors réfléchissez, évaluez la situation et prenez la décision qui vous semble la plus avantageuse.

Plans à long terme

« Quelqu’un est assis à l’ombre aujourd’hui parce que quelqu’un a planté un arbre il y a longtemps ». ― Warren Buffett

Cette dernière possibilité ne fonctionnera que contre des joueurs très forts et se révèlera ou non efficace, selon la situation. Il vaut cependant absolument la peine de la mentionner et de la garder en tête.

Quand vous jouez contre quelqu’un, c’est un peu comme tenir une conversation. La façon de jouer en dit long sur votre adversaire et sur son style, et de la même façon, il en apprend autant de vous. Chacun évalue son adversaire et s’inspire des signaux qu’il perçoit.

Ceci est important à comprendre et peut être utilisé à votre avantage.

Disons que vous jouez en Limité. Dans la première partie, vous savez que vous êtes mort au prochain tour. Vous faites face à des volants mortels. Tout ce que votre adversaire doit faire est attaquer avec ses créatures des airs — ce qu’il va certainement faire — et vous allez mourir.

Maintenant, si vous suivez le principe de ne jamais concéder, vous passez votre tour et laissez votre adversaire prendre la décision de vous descendre. Mais admettons pour un moment que vous concédiez ici la victoire.

Avance rapide à la dernière des trois parties. Vous êtes dans une position similaire : vous avez deux cartes de Grizzly alpin sur la table qui vont tuer votre adversaire au prochain tour, mais il a deux exemplaires du Drakôn des vents.

Vous êtes à 4, lui est à 8. Ça a été une course serrée. Mais s’il attaque, il va vous tuer.

Cette fois-ci, vous jouez votre tour plutôt que de concéder.

Pour l’adversaire, cela déclenche un signal d’alarme. Pourquoi a-t-il concédé la dernière fois qu’il était dans cette position, mais pas cette fois-ci ? Pourrait-il avoir une ruse ? Devrais-je rester en arrière et faire un échange pour ne pas prendre de risque ?

Vous voici en train d’implanter une idée dans la tête de votre adversaire.

Même si c’est un mouvement de jeu très maladroit pour lui, il reste une chance qu’il agisse ainsi.

Bien sûr, cela peut être une situation très précaire. En règle générale, vous ne devriez de toute façon jamais concéder votre dernière partie, car il n’y a pas d’avantage stratégique à tirer de cette action. Peut-être que la première fois vous vouliez gagner 30 secondes ou quelque chose de ce genre. Mais dans le même ordre d’idées, il ne vous coûte rien d’agir de la sorte, et cela peut vous aider au bout du compte.

C’est certainement une possibilité à garder en mémoire.

L’art de concéder

« Vous ne pouvez pas profiter d’un coup de chance si vous ne tentez rien. » ― Cedric Phillips

Bien plus de choses entrent en compte pour une concession que ce qui saute aux yeux. Et bien que, comme mentionné plus haut, vous ne devriez quasiment jamais concéder votre dernière partie dans un match, dans les deux premières il y a matière à réflexion.

Vous avez là trois raisons courantes, mais ce ne sont pas les seules. Projetez-vous toujours dans les parties à venir — ou dans certains cas, dans les matchs à venir.

Votre raison pourrait parfois être aussi bête — mais importante — que « Si je concède cette partie que je risque fort de perdre, alors j’aurai le temps de manger avant mon prochain round ; comme j’ai pris de mauvaises décisions parce que j’avais faim, cela pourrait augmenter mes chances pour le prochain match. » Peut-être n’allez-vous pas partager les listes de deck dans le Top 8, et vous voulez préserver votre technologie secrète de réserve pour le cas où vous faites face à cette personne dans la finale.

Mais quelle que soit votre raison, si une concession légale augmente vos chances de remporter le tournoi, alors vous devriez prendre cette option en considération. Il y a amplement matière à réfléchir.

Vous avez une question à poser, vous voulez en savoir plus ou juste vous exprimer sur le sujet ? Je serais ravi de vous entendre. Pour me joindre, n’hésitez pas à m’envoyer un tweet, me poser une question sur mon Tumblr ou m’envoyer un e-mail en anglais à Beyondbasicsmagic@gmail.com.

On se reparle la semaine prochaine ! D’ici là, que toutes vos concessions — dans la vie comme dans Magic — se fassent pour les bonnes raisons.

—Gavin
@GavinVerhey
GavInsight