J’ai passé les deux dernières semaines à répondre à toutes vos questions au sujet de La lune hermétique. Je n’ai pas fini — c’est reparti pour un tour.

La réponse est technique mais elle est importante. La conception des extensions de cartes suit un autre rythme que les nouvelles écrites pour le site Web. L’intrigue générale est créée au même moment que la conception des cartes, mais une grande partie des détails, dont les personnages mineurs, ne seront créés que lors de l’écriture des nouvelles. Hal et Alena n’existaient pas en tant que personnages quand l’extension a été faite. Kimberly Kreines les a créées quand elle a écrit sa nouvelle « Sous la lune d’argent ».

Alors, pourquoi n’y a-t-il pas de cartes ? Il faut savoir qu’au moment où elles ont été créées par Kimberley, l’ensemble des cartes de l’extension était finalisé depuis longtemps. Quelque chose de similaire est arrivé dans le premier Innistrad avec Geralf et Gisa. Ils ont été créés lors de l’écriture des textes d’ambiance, mais cela s’est également passé après que les cartes étaient déjà verrouillées — elles avaient leurs illustrations et textes de règle. Tout comme pour Geralf et Gisa, le public a bien apprécié Hal et Alena et nous garderons l’œil ouvert pour de futures opportunités de leur trouver une ou plusieurs cartes.

La diversité nous est très importante et nous essayons en permanence de trouver des moyens de l’intégrer à l’histoire. Je tiens à réitérer que leur absence est le résultat des calendriers et certainement pas d’un manque d’intérêt de notre part d’en faire des cartes.

Non, il s’agit d’un cas exceptionnel. Je ne m’attends pas à ce que nous utilisions souvent cette capacité à des raretés basses.

Le nombre de cartes dans une rareté est un dérivé des choix d’impression qui, bien qu’importants pour nous, sont des détails plutôt ennuyeux pour le reste du monde. Je pense que la raison la plus importante pour laquelle nous avons quatorze mythiques plutôt que treize est que nous trouvions que Brisela (tout du moins une moitié) et Ulrich, tous les deux des cartes recto-verso, méritaient l’un comme l’autre le statut de rare mythique.

À partir de Magic Origines, nous avons commencé un nouveau chapitre de notre histoire. Nous avons en partie commencé par développer une plus grande continuité dans les histoires. Quel était le rapport entre l’histoire de Theros et celle de Khans de Tarkir ? Il y en avait très peu. Dans ce nouveau modèle, nous essayons de créer une connectivité plus importante entre nos blocs. Cela consiste en partie à utiliser un groupe de personnages récurrents (c’est la raison pour laquelle nous avons créé les Sentinelles), mais aussi permettant aux éléments d’un bloc de refaire surface dans un autre. À l’avenir, vous verrez quelque chose apparaitre dans un bloc, puis refaire surface quelques blocs plus tard.

Mais comme nous venions juste de commencer ce nouveau type d’histoire, nous voulions nous assurer de bien faire connaître l’existence de cette connectivité. C’est pour cette raison que nous avons choisi de faire tous les Eldrazi dans la foulée. Nous aimerions que les joueurs comprennent que les ramifications d’un bloc affecteront les blocs suivants. Comme il s’agit d’un changement de notre ancienne façon de procéder, il nous faut commencer par être très directs. Ce ne sera pas toujours aussi peu subtil ni aussi rapide, mais nous voulions bousculer la manière dont les joueurs approchent l’histoire.

Le mystère s’en trouvait-il un peu affaibli ? Bien sûr, mais les objectifs à long terme étaient plus importants.

Nous voulions donner une personnalité aux jetons Eldrazi et Horreur, quelque chose que les statistiques au carré n’auraient pas pu fournir. Les jetons 1/1, 2/2 et 3/3 sont si courants qu’il est difficile d’en faire quelque chose d’exceptionnel. Nous savions que nous les voulions plus gros que 1/1, car nous apprécions l’idée de l’évolution des jetons Eldrazi avec le temps (0/1 à 1/1 à 3/2). Je pense que 3/2 avait été choisi pour les rendre plus substantiels sans pour autant les rendre trop difficiles à gérer.

Ça a remué un peu en ligne quand j’ai annoncé que la présence d’Emrakul sur Innistrad a précédé notre décision de retourner sur Zendikar. Hein ? Comment serait-ce possible ? Laissez-moi vous détailler la chronologie des évènements. Adam Lee, un ancien membre de l’équipe créative et qui travaille maintenant sur Dungeons & Dragons, a fait sa première présentation de l’idée pour un retour sur Innistrad lors d’une réunion à l’extérieur du R&D. Toute sa présentation sur un retour sur Innistrad tournait autour de l’idée d’insister davantage sur une horreur cosmique plutôt que gothique, car nous avions déjà exploré la majorité de ce thème lors de notre première visite. La source de la folie et des mutations (car l’horreur cosmique tourne toujours autour de la folie et des mutations) serait Emrakul. Dans cette présentation, il n’était nullement question de Nahiri ou de Sorin, ni de la majeure partie de l’histoire telle que vous la connaissez. C’était avant tout l’horreur cosmique causée par Emrakul.

Faisons un bond en avant d’une année ou deux. Nous nous demandons quel monde nous pourrions visiter, et l’idée est lancée de retourner sur Zendikar. Je pense que nous venions juste de retourner sur Ravnica et ça s’était très bien passé. Nous nous demandions donc sur quels autres mondes nous pourrions retourner. Comme le premier Zendikar avait eu lieu deux ans avant le Innistrad original, il semblait logique d’y retourner en premier. Nous avions placé le retour sur Innistrad plus tard dans le planning, mais je ne me rappelle pas exactement quand. Au départ, ce n’était pas directement après Zendikar. Puis, pour des raisons sur lesquelles je ne m’étendrai pas, nous devions échanger quelques blocs, et Innistrad s’est retrouvé directement après Zendikar.

Quand j’ai commencé la création de La bataille de Zendikar, nous n’avions pas encore pris la décision de passer au modèle à deux extensions. Magic Origines était toujours une édition de base dédiée aux méchants. Ma première approche d’un bloc à trois extensions pour un retour sur Zendikar était d’avoir chaque Eldrazi au centre d’une extension. C’était avant que la moindre histoire ne soit élaborée pour La bataille de Zendikar. (Sachez que notre processus a significativement changé depuis, et nous déterminons maintenant l’histoire dans les grandes lignes beaucoup plus tôt pour pouvoir influencer les mondes que nous allons visiter.)

Je savais qu’Emrakul allait finir par se retrouver sur Innistrad, mais je partais du principe que cela se produirait après La bataille de Zendikar. Une fois de plus, aucun détail de la manière dont cela allait se produire n’était à ce moment fixé. Assez tôt lors de la conception, tout a changé. Nous sommes passés au modèle à deux blocs, nous avons changé la façon dont nous concevions l’histoire, nous avons modifié notre processus pour impliquer l’histoire beaucoup plus tôt. Les choses ont changé du tout au tout (pour le mieux).

Et voilà comment Emrakul a fini sur Innistrad avant même que nous ne sachions qu’on allait retourner sur Zendikar.

Nous voilà enfin arrivés au vrai changement qui se produit sur Innistrad. Ma théorie, c’est qu’Emrakul hait les chapeaux. En fait, peut-être que Nahiri déteste elle aussi les chapeaux et qu’elle a attiré Emrakul sur Innistrad en connaissance de cause. Peut-être que le refus de chapeaux est un signe de folie. Peut-être que les chapeaux s’ajustent mal quand on a des tentacules à la place de cheveux. Peut-être que les chapeaux ont muté pour devenir une partie de la personne. Je ne connais pas encore la réponse définitive, mais je suis sûr qu’on tient là le véritable mystère du bloc Ténèbres sur Innistrad.

La menace eldrazi a disparu. Tout du moins pour le moment. Les extensions à venir ne manqueront pas de périls, mais ceux-ci ne viendront pas des Eldrazi. Nous avons un grand nombre de méchants intéressants prévus dans les quelques années à venir — certains seront de vieilles connaissances mais pas tous. J’attends déjà avec impatience vos réactions quand vous ferez leur connaissance.

C’était pour une raison purement mécanique. Si Gisela était restée rouge-blanc et Bruna blanc-bleu, cela aurait signifié qu’en voulant jouer un deck Brisela, il aurait fallu jouer un deck tricolore (bleu-rouge-blanc). Les cartes avec l’assimilation n’étaient déjà pas très nombreuses dans l’extension. Nous voulions nous assurer qu’autant de decks que possible puissent les jouer. Pour cela, il fallait donc les limiter à une seule couleur. Pour les anges, le choix était facile — le blanc. C’est la couleur qu’ils partagent et également la couleur principale des anges.

Quand j’ai créé la furtivité, j’ai en effet voulu trouver une mécanique standard qui chevauche le bleu et le noir. Nous avons essayé de trouver des mécaniques d’évasion qui soient un peu plus interactives, en tentant d’éviter des choses qui fonctionnent juste parfaitement ou pas du tout selon le deck que vous jouez. (« Comme je joue vert, je ne vais donc pas pouvoir arrêter cette créature ».)

Notre nouvelle philosophie pour trouver des mécaniques standard est de ne pas en faire. Nous faisons des mécaniques d’extension qui selon nous contribueront à l’extension qui les contient, puis, si une mécanique montre du potentiel à être standard, nous prendrons la décision après avoir travaillé avec elle et après avoir déterminé à quels types de création elle pourra apporter son soutien. La prouesse est un exemple qui incarne parfaitement cette nouvelle philosophie.

Alors, qu’est-il arrivé à la furtivité ? Au bout du compte, elle s’est avérée présenter quelques problèmes qui ont affecté notre volonté d’en faire un standard. Premièrement, lors de la conception, nous nous sommes rendu compte que sa marge de création était beaucoup plus restreinte que notre estimation initiale. Ensuite, en l’utilisant dans les parties, nous avons constaté que le suivi était plus complexe que ce à quoi nous nous attendions. Pour ces deux raisons, nous avons décidé de ne pas en faire une capacité standard.

Alors pourquoi ni Tabak ni moi-même ne l’avions-nous identifiée comme étant de retour ? Nous l’avons tout simplement oubliée. C’est la mécanique la moins importante du bloc et elle est simplement passée sous le radar.

Non, normalement il y en aura cinq. Le fait que j’utilise le mot « normalement » signifie que parfois ils ne seront pas cinq, mais qu’une fois la poussière retombée, on reviendra en toute probabilité à cinq. Allons-nous voir d’autres blocs avec plus de cinq planeswalkers ? C’est très probable, mais la plupart du temps, ne comptez pas dessus.

Le bloc contient un certain nombre de réimpressions, alors je présume que par « significatif » vous voulez dire puissant. Voici le souci avec des réimpressions puissantes dans des extensions légales en Standard : elles déforment l’environnement. Et si on parle de réimpressions du premier Innistrad, il s’agit là des cartes qui ont déformé le Standard la dernière fois que nous étions sur Innistrad. Le retour est en partie motivé par un désir de revisiter les anciens thèmes sans qu’ils soient identiques à ceux que vous aviez rencontrés lors de la dernière visite.

Le développement a expérimenté avec l’idée de faire revenir des réimpressions puissantes comme la Saisie des pensées et le Mutecaveau, et à chaque instance nous étions mécontents des résultats. De plus, le développement ne peut attribuer qu’une quantité limitée de puissance à une extension. Si on fait donc revenir d’anciennes cartes, les cartes plus récentes seront dans l’ensemble moins puissantes et ceci donnera globalement une impression moins positive de l’extension.

Liliana n’est pas quelqu’un qui partage ouvertement ses motivations, et nous allons donc devoir attendre et voir pourquoi elle s’est décidée à rejoindre les autres. Sa relation avec Jace a ici évidemment son importance. Tout ce que je peux dire en ce moment, c’est que l´équipe de l’histoire a travaillé vraiment intensément pour créer un récit captivant et cool, et que Liliana n’a pas été sélectionnée pour rejoindre l’équipe sans de très bonnes raisons.

En fait, les deux. Le thème de destruction de terrain du rouge a toujours été problématique, car Magic n’est pas particulièrement amusant quand votre adversaire détruit tous les vôtres. Nous avons donc beaucoup réduit le niveau de puissance des sorts de destruction de terrain. La mécanique « engager des terrains qui ne se dégagent pas pour un tour » a été évoquée comme moyen de peut-être faire une version light de la destruction de terrain. Cela permettrait au rouge de perturber temporairement les terrains sans aucun désavantage à long terme. Il s’agit ici vraiment d’une expérience, car nous ne sommes pas convaincus de vouloir garder ceci comme aspect rouge à l’avenir, mais nous voulions le tester et juger de la réaction des joueurs. SVP, n’hésitez pas à me faire savoir ce que vous en pensez. Est-ce quelque chose que vous aimeriez nous voir continuer à faire en rouge ?

Un monde basé sur le genre de l’horreur est un monde à thème unique. Si notre définition devient trop étroite, alors nous n’aurons pas de monde offrant assez de profondeur à revisiter. Rappelez-vous juste qu’à chaque visite nous devons nous concentrer sur une sous-partie de notre thème. La première visite est uniquement l’une de ces sous-parties, et non pas la totalité de ce que ce monde peut nous offrir.

Il y a une place limitée dans une extension et les joueurs veulent du nouveau, et nous n’avons donc qu’une petite marge pour faire revenir quelque chose. Nous avons décidé de faire revenir une mécanique, et dans la sélection il semblait clair qu’une d’entre elles était plus emblématique pour Innistrad que toutes les autres : transformer. Nous avons parlé des trois que vous avez mentionné. Celle des trois qui aurait eu le plus de chance de revenir était le flashback.

Ulrich était initialement dans Ténèbres sur Innistrad, mais nous nous sommes rendu compte que nous avions à la fois lui et Arlinn Kord. Il n’y avait pas la place pour deux loups-garous recto-verso rouge-vert rare mythique, et un d’eux devait donc sauter. Peu importe sur lequel se portait notre choix, aucun des deux ne collait au modèle du thème de mutation des cartes recto-verso de La lune hermétique. Il était donc clair que nous devions soit faire une exception, soit ne pas avoir un loup-garou légendaire (le planeswalker devant exister pour des raisons d’équilibre des couleurs). Je savais qu’il était très important pour de nombreux joueurs d’avoir un loup-garou légendaire, et nous avons donc choisi d’avoir une exception recto-verso. Comme il s’agissait d’une carte rare mythique, les joueurs n’allaient pas en trouver souvent en ouvrant des boosters de La lune hermétique.

... Et c’est fini

C’était une tonne de questions intéressantes. Merci à tous ceux qui ont pris le temps de m’écrire. Comme toujours j’apprécierais vos réactions sur cet article ou sur La lune hermétique que ce soit par mon e-mail ou n’importe lequel de mes comptes sur les réseaux sociaux (Twitter, Tumblr, Google+ et Instagram).

Retrouvez-moi la semaine prochaine pour ma preview de Conspiracy: Take the Crown.


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